Le prix unique, c’est comme les antibiotiques, "c’est pas automatique". En Belgique francophone, sa mise en œuvre, depuis le 1er janvier, très bien acueillie, n’a malheureusement encore que des effets très partiels. Certes, l’unification des prix des livres permet d’ores et déjà aux libraires de ne plus subir l’impact des discounts souvent massifs des grandes surfaces. Mais alors que la "tabelle", un surcoût de 12 % à 15 % appliqué aux livres importés par les deux principaux distributeurs, ne disparaîtra qu’à partir de 2019, par étapes et sur trois ans, une bonne part de l’offre éditoriale demeure accessible aux Belges dans les librairies françaises à un prix inférieur à celui pratiqué chez eux. Une distorsion qui souligne une fois encore que, pour nécessaire qu’il soit afin de préserver la diversité des points de vente et, partant, de la création, le prix unique du livre ne prend tout son sens que s’il s’inscrit dans une perspective et un écosystème globaux.
En France, la trajectoire de la librairie Ombres blanches, à Toulouse, qui vient de changer de propriétaires et de direction générale au terme d’un long processus, en est une vivante démonstration. Loin de s’abriter derrière les avantages de la loi Lang adoptée en 1981, Christian Thorel, son copropriétaire et directeur depuis 1979, en a fait les points d’appui d’un développement qui l’a conduit à sextupler la surface de sa librairie multispécialiste, devenue, grâce à des armes lui permettant de rivaliser avec les succursales des grandes enseignes, la dixième en France. Quand les années 1980 et 1990 étaient fatales à nombre de librairies indépendantes, fermées ou rachetées, notamment par les Librairies du savoir puis Chapitre, avant de connaître le triste destin que l’on sait, Ombres blanches s’est en cinq fois diversifiée et agrandie jusqu’à se déployer sur 1 700 m2 tout en restant fidèle à son esprit d’origine. Un exemple.