De l'avis de tous les éditeurs, le plus gros de l'inflation est passé. Et il n'est pas non plus question de déflation à terme. La hausse des prix des matières premières est pérenne. « Selon les produits, nous avons remarqué des hausses entre 10 % et 30 % du coût de fabrication », souffle Moïse Kissous, le fondateur du groupe Steinkis. « En moyenne, c'est une hausse de 24 % » pour le directeur commercial de Grasset Jean-Marc Levent. « Il y a eu une première vague d'inflation dès la fin 2020 avec la hausse du prix du papier couplée à l'explosion du prix du fret (lire par ailleurs, ndlr) puis une deuxième vague en 2022 avec l'envolée des prix de l'énergie », abonde Julien Papelier, le directeur général adjoint de Media Participations. Face à cette crise multifacette, ce dernier préconise de « ne pas donner de grand coup de barre à droite ou à gauche, mais de piloter finement et ajuster avec rigueur ». Le premier poste à optimiser ? « Éviter les retours, c'est ce qui coûte le plus cher », répond du tac-au-tac le responsable du pôle audiovisuel du quatrième éditeur français. Ensuite, simplification et rationalisation au niveau du groupe. « En bande dessinée nous avons réduit le nombre de papiers utilisés, limité les effets sur les couvertures », par exemple. Chez Steinkis, on réimprime au maximum le fond de catalogue dont on maîtrise les ventes. « Pour Mistinguette, explique Moïse Kissous, dont le prix de vente n'avait pas augmenté depuis six ans, on a répercuté le surcoût de fabrication mais en réimprimant deux fois plus que d'habitude pour baisser le prix de revient. » 

Revers de la médaille : l'augmentation du stock et la nécessité d'une mobilisation financière importante. « Nous sommes dans une situation de marché plus difficile, ce qui nous incite à la prudence et à des choix plus conséquents, notamment pour les nouveautés et les acquisitions de droits », ajoute Julien Papelier. En effet, la littérature étrangère a un rayon en perte de vitesse depuis une douzaine d'années et a accusé en 2022 une baisse de 5 % de titres par rapport à 2021. Au fil des programmations littéraires des maisons d'édition, la baisse des nouvelles publications est sensible. Elsa Lafon, directrice des éditions Michel Lafon, annonce une baisse de 24 % de sa production de nouveautés pour la saison 2023-2024. Ce « new deal  », développé en partenariat avec le diffuseur Interforum, vise à « produire moins et mieux » avec « l'objectif sobriété gagnante », explique la fille du fondateur de la maison d'édition indépendante aux 59 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisé en 2020. Chez Grasset, Jean-Marc Levent annonce une baisse de 10 % de la production sur les trois premiers trimestres 2023, qui verront la maison de la rue des Saints-Pères, au chiffre d'affaires de près de 30 millions d'euros, publier 105 titres contre 117 dans le même temps en 2022. « Nous sommes dans un marché de l'offre, mais nous écoutons les libraires », résume le directeur commercial, qui vante également les nouveaux outils de la maison permettant « une réimpression de plus en plus ajustée et ciblée ». Lui aussi ! E. D.

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