Entretien

Emil Ferris: "Tout le monde est le monstre de quelqu’un d’autre"

Emil Ferris - Photo Whitten Sabbatini

Emil Ferris: "Tout le monde est le monstre de quelqu’un d’autre"

Plébiscitée pour son premier roman graphique, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres (Monsieur Toussaint Louverture), l’auteure américaine Emil Ferris, interviewée par Livres Hebdo, sera en France à partir du 19 septembre. 

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Par Cécilia Lacour
Créé le 18.09.2018 à 11h52

Annoncée comme la sensation graphique de l’année, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris est largement plébiscité par la presse et les professionnels. En juillet dernier, le premier roman graphique d’Emil Ferris a notamment raflé trois Eisner Awards: ceux du "meilleur album", du "meilleur auteur" et de la "meilleure colorisation".   
  Acquis par Monsieur Toussaint Louverture pour 60 000 euros et publié en France le 23 août dernier, le premier tome de ce roman graphique de 416 pages, traduit par Jean-Charles Khalifa, se classe dans les meilleures ventes de BD GFK/Livres Hebdo depuis sa sortie. Tiré au départ à 18 000 exemplaires, dont 13 000 mis en place, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est en cours de réimpression. 
 
Son auteure, Emil Ferris, est née à Chicago (Etats-Unis) en 1962. Illustratrice et conceptrice de jouets pour McDonald’s, elle contracte en 2001 une méningo-encéphalite, forme rare du virus du Nil occidental après s’être fait piquer par un moustique. Après un coma de trois semaines qui l’a laissée partiellement paralysée, elle s’inscrit dans un cours d’écriture. C’est pendant sa convalescence qu’elle entreprend de dessiner Karen Reyes, une petite fille amoureuse des monstres qui cherche à résoudre le meurtre de sa belle voisine juive dans le Chicago des années 1960.

"Ne jamais abandonner"

En "quatre ans et demi", elle dessine les 400 premières pages de son roman graphique. Et entreprend de le faire connaître. "Le livre a été envoyé à 50 éditeurs. 48 l’ont refusé", souligne Emil Ferris dans un entretien avec Livres Hebdo. Elle insiste alors sur la nécessité de "ne jamais abandonner". 

Les monstres et la trame de son histoire ne se sont pas imposés par hasard. "Dans les années 60, il y a eu cette résurgence de popularité pour les monstres avec les films d’horreur qui passaient à la télévision à partir de 22 heures. Et il y avait le Vietnam", omniprésent sur le petit écran, se souvient-elle. "Dans ma tête d’enfant, les films d’horreur étaient une extension de l’actualité." Emil Ferris grandit alors avec l’idée que "tout le monde est le monstre de quelqu’un d’autre", même si pour elle les monstres ne sont pas forcément des êtres mauvais. 

"J’ai encore tant à apprendre"
 
Photo EMIL FERRIS/MONSIEUR TOUSSAINT LOUVERTURE
Presque entièrement réalisé au stylo-bille pour coller aux fournitures de l’écolière qu’elle était, le trait d’Emil Ferris fait écho au dessin d’illustrateurs connus comme Otto Dix ou Robert Crumb. Deux artistes qui l’ont influencée et pour lesquels elle voue une certaine admiration. "Le travail de Robert Crumb incarne l’essence la plus pure du dessin", loue-t-elle. L’auteure, fraîchement débarquée dans l’univers de l’édition de bande dessinée, reconnaît sans détour "ne pas encore connaître beaucoup d’artistes" de bande dessinée, notamment francophones. "J’ai encore tant à apprendre", confie-t-elle. 

Venue une fois à Paris il y a près de vingt-cinq ans, Emil Ferris posera le pied sur le territoire français mercredi 19 septembre pour participer à deux festivals —America et Formula Bula— et inaugurer l’exposition qui lui est consacrée. Une des rares pauses qu’elle s’accordera avant de retrouver ses stylos. "Le deuxième tome [de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, NDLR] est fini tout en ne l’étant pas. Je dois encore le travailler", explique-t-elle.

Une fois qu’il sera terminé, elle aimerait "faire une tournée promotionnelle de [son] livre, aller à la rencontre de ceux qui l’ont lu dans tous les pays où [son] roman aura été publié". Une envie qu’elle fixe pour l’année prochaine seulement afin de rester concentrée sur son histoire et d’être certaine de ne pas "rater la date limite" pour rendre la seconde partie de son ouvrage. 

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