12 mai > Photographie France

Ceci n’est pas un album de photographies, même si les clichés d’Eric Poitevin en occupent les deux tiers. Ceci n’est pas un ouvrage de philosophie de l’art, même si le texte de Jean-Christophe Bailly est une longue et buissonnière méditation à propos du travail de son ami photographe. Ceci est juste l’un des plus beaux livres que l’on ait lus récemment. "Comme un tombeau léger", écrit Bailly, pour des oiseaux morts, suspendus par une ficelle, la tête en bas, sur un fond neutre, en plein milieu de la page. Si l’on en juge par d’autres sujets publiés récemment, Poitevin est le photographe de la suspension, du temps arrêté, et, peut-être, de l’immortalité. L’écrivain compare le processus photographique à celui de l’embaumement que pratiquaient les anciens Egyptiens, lesquels représentaient par des oiseaux les âmes des défunts prêtes à partir pour un très long voyage, tandis que le déclenchement de l’appareil, avec son clic, lui évoque plutôt les ciseaux d’Atropos, l’une des trois Parques, qui dans la mythologie grecque coupait le fil des vies humaines.

Restent ces oiseaux, minuscules ou imposants, modèles involontaires de l’artiste, dans la tradition des fresques pompéiennes, ou de Jean-Baptiste Oudry. Bailly les évoque avec tendresse, poésie et une pointe d’érudition, sans céder à la tentation du "requiem". Juste une célébration de "la vie enfuie". Au passage, on découvre les œuvres de Ligier Richier, sculpteur méconnu qui a orné l’église de Saint-Mihiel, sa ville natale, d’une Pietà et d’une Pâmoison de la Vierge d’où les oiseaux ne sont pas absents. On salue Francis Ponge, et ses "Notes prises pour un oiseau", on pense à Christian Bobin qui aurait pu écrire ce livre grave et serein. A la fin, on a envie de le retourner, pour que les oiseaux retombent sur leurs pattes, ouvrent leurs ailes et s’envolent. Mais cela ne se peut. Le livre, comme dans une boîte en verre d’entomologiste, les a figés pour l’éternité. J.-C. P.

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