Un écrivain confirmé et une inconnue. En tête du 16e Palmarès Livres Hebdo des romans de la rentrée littéraire préférés des libraires figurent la nouveauté de Franck Bouysse, Buveurs de vent (Albin Michel), en littérature française, et le premier roman de Tiffany McDaniel, Betty (Gallmeister). S'ils occupent les premières places, ces deux écrivains ne se détachent pas nettement du peloton. Les 335 points de ventes interrogés par Xerfi/I + C (voir méthodologie page 58) ont cité plus d'auteurs que l'an dernier, ce qui traduit leur grande curiosité.
Si Franck Bouysse et son roman sur une fratrie qui grandit au milieu des montagnes ont été très appréciés, il n'a pas été le seul à recevoir cinq points, la note maximale. Les libraires se sont aussi épris du quatrième roman de Julia Kerninon (Liv Maria, L'Iconoclaste) en 2e position, ou de fictions livrées par des poids lourds du paysage littéraire comme Emmanuel Carrère (Yoga, P.O.L) ou Serge Joncour (Nature humaine, Flammarion). Les romancières occupent une place prédominante, onze s'étant glissé dans les vingt premiers rangs. Ainsi Camille Laurens (Fille, Gallimard), Lola Lafon (Chavirer, Actes Sud), Véronique Olmi (Les évasions particulières, Albin Michel) ou Négar Djavadi (Arène, Liana Levi).
Seuls deux premiers romans s'inscrivent sur ce classement : Ce qu'il faut de nuit, de Laurent Petitmangin à La manufacture du livre et Le dit du mistral, d'Olivier Mak-Bouchard au Tripode, très apprécié par les libraires indépendants.
Les découvertes à l'étranger plébiscitées
Côté étranger, la lauréate du prix du roman Fnac 2020, Tiffany McDaniel, arrive en tête avec son premier roman Betty (Gallmeister), l'histoire d'une famille où la cadette, issue d'une mère blanche et d'un père cherokee, fait face au racisme ordinaire. Une découverte qui devance, de peu, le deuxième roman du classement, Nickel boys, de Colson Whitehead. L'écrivain américain s'était hissé à la première place du Palmarès des libraires en 2018 pour son précédent roman, Underground railroad. Deux ans plus tard, les professionnels renouvellent leur soutien en saluant cette enquête approfondie, livrée sous forme romanesque, sur une maison de correction, un lieu de torture. Une histoire vraie, ancrée dans les années 1960, que le journaliste, récompensé pour la deuxième fois par le prix Pulitzer, a sorti de l'oubli.
Les libraires ont surtout savouré la découverte de nouvelles voix venues d'ailleurs. Six titres sur vingt sont des premiers romans ou des premières traductions en français. Outre Tiffany McDaniel, Kiran Millwood Hargrave (Les graciées, Robert Laffont) et Jeanine Cummins (American dirt, Philippe Rey) occupent des rangs sur la première moitié du classement. Les libraires ont aussi plébiscité les nouveautés d'auteurs découverts ces cinq dernières. Tout en replongeant dans l'écriture de Colson Whitehead, ils ont retrouvé et apprécié les nouveautés de Yaa Gyasi, repérée en 2017 avec No home (Calmann-Lévy) et de Brit Bennett, sélectionnée en 2017 par le Femina et le Médicis pour Le cœur battant de nos mères (Autrement). L'effort des éditeurs pour pousser un seul titre étranger a aussi payé. Jon Kalmann Stefansson (Lumière d'été, puis vient la nuit, Grasset) arrive en 8e position tandis que Pat Barker, seule auteure de Charleston avec Le silence des vaincues, prend la 14e place.
Moins d'ouvrages lus
Caractéristique de ce palmarès 2020 : les libraires ont lu moins d'ouvrages que l'an dernier. Les établissements de premier niveau ont lu en moyenne 18 romans contre 22 en 2019 tandis que les grandes surfaces culturelles atteignent le niveau le plus bas jamais enregistré avec 10 livres lus contre 14 en un an d'intervalle. Les raisons de cette baisse sont multiples. Christine Ayroulet (Le Millefeuille) tout comme Christophe Deschamps (À fleur de mots) déplorent l'annulation des réunions de présentation de la rentrée littéraire et l'obligation de lire sur tablette. À Charlieu, Christèle Hamelin n'a tout simplement pas eu envie de se « jeter » dans les nouveautés. Les libraires, qui ont connu des « journées de Noël en plein mois de juin » tellement les lecteurs ont été nombreux à se déplacer en librairie après le confinement, confirment qu'ils ont eu moins de temps pour lire la rentrée littéraire 2020.
Les sondés s'accordent toutefois sur la capacité de la rentrée littéraire à redynamiser la fréquentation des rayons livres. Là aussi, l'éclectisme des goûts des professionnels favorise la diversité d'ouvrages en tête de gondole. Le roman favori des libraires de moins de 35 ans (tous circuits confondus) est Yoga, d'Emmanuel Carrère, suivi de Broadway, de Fabrice Caro (Gallimard) et Alabama 1963 de Christian Niemic et Ludociv Manchette (Le Cherche midi). Ces deux derniers ont également été applaudis par les chefs de rayon des grandes surfaces culturelles.
Au-delà de 35 ans, les libraires penchent pour Laurent Petitmangin, Camille Laurens et Marie- Hélène Lafon (Histoire du fils, Buchet-Chastel). Si les femmes acclament majoritairement Camille Laurens et Lola Lafon, les hommes, eux, défendent Serge Joncour et Olivier Mak-Bouchard.
Autre fait marquant, Jon Kalmann Stefansson est le romancier étranger préféré des libraires indépendants et de deuxième niveau alors que les GSS préférent Yaa Gyasi (Sublime royaume, Calmann-Lévy). Parmi les chouchous des libraires de deuxième niveau, Alice Zeniter (Comme un empire dans un empire, Flammarion) ou Isabelle Carré (Du côté des Indiens, Grasset) ressortent.
Enfin, les libraires ayant déclaré avoir lu au moins 30 ouvrages, les gros lecteurs donc, ovationnent, en littérature française, le talent de Camille Laurens mais également celui de Miguel Bonnefoy (Héritage, Rivages), Laurent Mauvignier (Histoires de la nuit, Minuit) et Mireille Gagné (Le lièvre d'Amérique, La Peuplade). À l'étranger, c'est Barbara Kingsolver (Des vies à découvert, Rivages), la lauréate du Booker Prize 2019 Bernardine Evaristo pour Femme, fille, autre (Globe), Pilar Quintana (La chienne, Calmann-Lévy) et Robin Robertson (Walker, L'Olivier) qui se détachent.
Comme l'an dernier, le nombre de maisons d'édition citées est élevé. Dans les top 20 français et étrangers, on compte 26 éditeurs. Albin Michel place le plus grand nombre de titres, six, suivi de Gallimard avec quatre. Grasset, Flammarion, Actes Sud, Rivages et Calmann-Lévy inscrivent deux romans chacun.
1 | Buveurs de vent - Franck Bouysse - ALBIN MICHEL | 1 |
---|---|---|
2 | Liv Maria - Julia Kerninon - ICONOCLASTE | 2 |
3 | Nature humaine - Serge Joncour - FLAMMARION | 3 |
4 | Ce qu’il faut de nuit - Laurent Petitmangin - MANUFACTURE DE LIVRES | 4 |
5 | Yoga - Emmanuel Carrère - P.O.L | 5 |
6 | Fille - Camille Laurens - GALLIMARD | 6 |
7 | Chavirer - Lola Lafon - ACTES SUD | 7 |
8 | Broadway - Fabrice Caro - GALLIMARD | 8 |
9 | Le dit du mistral - Olivier Mak-Bouchard - LE TRIPODE | 9 |
10 | Histoire du fils - Marie-Hélène Lafon - BUCHET CHASTEL | 10 |
11 | Les roses fauves - Carole Martinez - GALLIMARD | 11 |
12 | Histoires de la nuit - Laurent Mauvignier - MINUIT | 12 |
13 | Comme un empire dans un empire - Alice Zeniter - FLAMMARION | 13 |
14 | Héritage - Miguel Bonnefoy - RIVAGES | 14 |
15 | Du côté des Indiens - Isabelle Carré - GRASSET | 15 |
16 | Les évasions particulières - Véronique Olmi - ALBIN MICHEL | 16 |
17 | L’intimité - Alice Ferney - ACTES SUD | 17 |
18 | Les aérostats - Amélie Nothomb - ALBIN MICHEL | 18 |
19 | Arène - Négar Djavadi - LIANA LEVI | 19 |
20 | La fièvre - Sébastien Spitzer - ALBIN MICHEL | 20 |
1 | Betty - Tiffany McDaniel ; traduit par François Happe - GALLMEISTER | 1 |
---|---|---|
2 | Nickel boys - Colson Whitehead ; traduit par Charles Recoursé - ALBIN MICHEL | 2 |
3 | Impossible - Erri De Luca ; traduit par Danièle Valin - GALLIMARD | 3 |
4 | Les graciées - Kiran Millwood Hargrave ; traduit par Sarah Tardy - ROBERT LAFFONT | 4 |
5 | Apeirogon - Colum McCann ; traduit par Clément Baude- BELFOND | 5 |
6 | L’autre moitié de soi - Brit Bennett ; traduit par Karine Lalechère- AUTREMENT | 6 |
7 | American dirt - Jeanine Cummins ; traduit par Christine Auché, Françoise Adelstain - PHILIPPE REY | 7 |
8 | Lumière d’été, puis vient la nuit - Jon Kalman Stefansson ; traduit par Eric Boury - GRASSET | 8 |
9 | Sublime royaume - Yaa Gyasi ; traduit par Anne Damour - CALMANN-LÉVY | 9 |
10 | Des vies à découvert - Barbara Kingsolver ; traduit par Martine Aubert - RIVAGES | 10 |
11 | Les secrets de ma mère - Jessie Burton ; traduit par Laura Derajinski - GALLIMARD | 11 |
12 | Ohio - Stephen Markley ; traduit par Charles Recoursé - ALBIN MICHEL | 12 |
13 | La république du bonheur - Ito Ogawa ; traduit par Myriam Dartois-Ako - PHILIPPE PICQUIER | 13 |
14 | Le silence des vaincues - Pat Barker ; traduit par Laurent Bury - CHARLESTON | 14 |
15 | Walker - Robin Robertson ; traduit par Josée Kamoun - L’OLIVIER | 15 |
16 | Les lionnes - Lucy Ellmann ; traduit par Claro- SEUIL | 16 |
17 | Retour à Martha’s Vineyard - Richard Russo ; traduit par Jean Esch - LA TABLE RONDE | 17 |
18 | Jazz à l’âme - William Melvin Kelley ; traduit par Eric Moreau - DELCOURT | 18 |
19 | Aria - Nazanine Hozar ; traduit par Marc Amfreville - STOCK | 19 |
20 | La chienne - Pilar Quintana ; traduit par Laurence Debril - CALMANN-LÉVY | 20 |