Documentaire

François Busnel : dernier voyage avec Jim Harrison

Jim Harrison - Photo Rosebud productions

François Busnel : dernier voyage avec Jim Harrison

Seule la terre est éternelle est à la fois un documentaire qui rend hommage à Jim Harrison et un écrivain qui livre un témoignage sur l'Amérique, la culture et la nature. Le film a été présenté pour la première fois au Festival Lumière à Lyon.

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Par Vincy Thomas Lyon,
Créé le 17.10.2019 à 20h09

Mardi 15 octobre, le Festival Lumière mettait la littérature à l'honneur et sur grand écran. François Busnel et Adrien Soland venaient présenter leur documentaire Seule la terre est éternelle, hommage crépusculaire à Jim Harrison. Il a été projeté en présence de l'écrivain américain Jim Fergus, l'ami, auteur et cuisinier Peter Lewis, et surtout la fidèle Joyce Harrington Bahle, assistante de Jim Harrison durant 35 ans. Ce dernier avait reçu une carte blanche il y a quelques années à ce même festival, présentant notamment La soif du mal, d'Orson Welles.

Après de nombreux refus, l'auteur de Dalva et de Légendes d'automne avait accepté la proposition de l'animateur de « La Grande Librairie ». Le tournage s'est déroulé durant l'été 2015, quelques mois avant la mort de l'écrivain, le 26 mars 2016. François Busnel n'avait alors aucun financement, aucun diffuseur. Mais, en 2018, il confirme que les images serviront à un documentaire en long format. Il  confie à Livres Hebdo que Seule la terre est éternelle devrait être diffusé dans les salles de cinéma - des discussions sont en cours avec quelques distributeurs - et par la suite sur France 5. Avant cela, il fera une escale au Festival de Sundance (Utah), à quelques heures de route de Livingston (Montana), où une grande partie du film se déroule.
 
Thierry Frémaux, François Busnel et Adrien Soland lors de la présentation du documentaire sur Jim Harrison au Festival Lumière le 15 octobre- Photo VINCY THOMAS
Thierry Frémaux, qui dirige le Festival lyonnais, parle d'un "exercice d'admiration et de fidélité." Durant une heure et cinquante deux minutes, la caméra contemple les splendides paysages du Grand Ouest américain et observe Jim Harrison évoquer sa vie, partageant ses souvenirs intimes et rares (notamment la mort accidentelle de son père et de sa sœur) ou livrant ses opinions sur cette Amérique colonisatrice, qui a massacré les Amérindiens et dévoré la nature.

La langue de Jim Harrison est omniprésente (il n'y a pas de voix off, pas de discours biographique ou didactique). Il raconte ses histoires: son œil crevé par une copine, ses bagarres à New York du temps des beatniks, sa détestation des serpents, sa promenade quotidienne dans les montagnes pour "purifier l'âme", sa relation avec la mort... La peau fripée, la cigarette toujours allumée, la toux qui va avec, le souffle court: l'auteur se confie avec une douce ironie, beaucoup de générosité et une certaine mélancolie.

Le film alterne ainsi l'immensité américaine du cinéma de John Ford et le langage oral d'un homme aspirant à fusionner avec la nature. De la même manière qu'il faisait des détours gigantesques pour rejoindre sa maison de Patagonia (Arizona), simplement pour profiter de paysages (que l'on retrouve dans ses romans) ou du meilleur steak de la région, sa pensée navigue au gré des décors. Les admirateurs seront enthousiastes à l'idée d'entendre ses réflexions sur l'écriture - et cette capacité à devenir autre -, ses anecdotes et ses tocs (des feutres bics noirs pour écrire, devant un mur nu).

Ce portrait singulier reflète bien la solitude de l'homme tout en renvoyant l'image de ses "héros" romanesques, qui se libèrent et s'émancipent en rejoignant les marges de la société.

 

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