Tout débute sur le Pavillon de la France à Francfort où elle assiste à la remise du Prix des Cinq continents. Le symbole n'est pas un hasard. La francophonie est l'une des orientations stratégiques du ministère, et un axe majeur de la programmation française à Francfort. Plus tard dans la journée, elle assiste avec Monika Grütters, sa consœur allemande, au Prix Franz-Hessel, prix franco-allemand de littérature contemporaine. Là aussi il faut voir un choix politique puisque depuis l'inauguration mardi 10 octobre par Emmanuel Macron et Angela Merkel de la France à Francfort, le lien culturel entre les deux pays est une priorité. Entre-temps, alors que ce n'était pas dans son programme, Françoise Nyssen n'a pas pu résister à prendre quelques minutes pour aller dire bonjour aux membres de l'académie Goncourt qui venaient dévoiler leur deuxième sélection.
Sa matinée a été consacrée à la visite des stands francophones et allemands. Elle y est chez elle. "Les auteurs nous enrichissent et ceux qui les accompagnent sont formidables." Tutoiements, embrassades, retrouvailles... la ministre est du métier et leur confie qu'elle est toujours proche d'eux: "Mon texto, ça marche toujours."
Mais ses passages dans les stands français sont très rapides. A peine quelques mots, souvent les mêmes, répétant plusieurs fois ses priorités comme on répète un mantra.
Chocolats et lait bio
Pour mieux montrer qu'elle n'est pas l'ancienne éditrice française visitant la Foire, elle a débuté avec la visite du stand du Québec. Françoise Nyssen a d'ailleurs accordé beaucoup de temps à la Belgique, à l'Afrique et à la Suisse... "Les Français sont nourris de la francophonie. Il faut continuer à lancer des ponts tout en conservant les spécificités", explique-t-elle. On lui offre des livres, des chocolats... Elle se sent plus libre de parler de laiterie bio helvétique, de crème de gruyère ou même d'écologie avec la représentante chinoise d'un éditeur français que d'aborder les sujets sensibles.
Derrière ces quelques éléments de langage, la ministre avoue: "Ce que je ressens, c'est beaucoup d'émotions." Quand elle passe chez Actes Sud, cette émotion est palpable: "C'est une formidable équipe. J'ai confiance en eux. Mais aujourd'hui je suis à 360° sur la culture. Je considère que je suis au service de tous."
Elle passe un peu de temps chez Editis avec Alain Kouck, chez P.O.L avec Paul Otchakovsky-Laurens, chez Bayard, pour parler de littérature jeunesse et d'Europe, au Bec en l'air, confiant son admiration "pour le travail de cette maison", chez Libella, où elle affirme vouloir aider la fondation Vera Michalski, ou encore au CNL, ce qui lui permet d'appuyer le message du président de la République sur la valorisation de la traduction: "C'est un axe fort qu'on va partager avec nos confrères, dans les deux sens."
Sur les stands allemands, on parle beaucoup de traductions aussi. Elle s'intéresse à Secession, "une maison exemplaire", à Avant Verlag Berlin, dont les bande dessinées l'intriguent, ou à Suhrkamp. Françoise Nyssen a passé deux heures dans les allées de la Foire. Elle doit ensuite rencontrer son homologue roumain avant sa réunion avec les ministres de la culture européens. Elle a initié ce rendez-vous informel. "L'Europe économique, sociale dépendra de l'Europe de la Culture", a martelé la ministre. Le Pass européen de la culture sera étudié en parallèle de l'expérimentation française l'an prochain. En attendant une déclaration commune des ministres, la priorité reste bien de s'entendre sur la future directive du droit d'auteur.
Après la conférence de presse, elle achève sa journée au Pavillon français, où elle adresse son dernier discours, en mode très accéléré. Elle doit rentrer à Paris. "C'est ça un agenda de ministre", s'exclame-t-elle, avouant être "terriblement frustrée" de devoir partir.
En tout cas, à Francfort, Françoise Nyssen n'a pas joué les Arlésiennes.