Le 1er janvier 2015, la métropole de Lyon naissait avec un statut totalement unique en France, obtenu de l’Etat par Gérard Collomb, alors maire de Lyon et président du Grand Lyon : sur son territoire, la nouvelle entité se substitue au département du Rhône. Depuis, elle en assume toutes les missions obligatoires, dont le service de lecture publique, auprès des communes de moins de 12 000 habitants. Jusqu’en décembre 2017, la bibliothèque départementale du Rhône a continué de remplir cette mission, le temps que la métropole s’organise. Depuis le 1er janvier, le service de lecture publique que la métropole doit rendre auprès des communes de moins de 12 000 habitants de son territoire, 40 au total, est délégué à la bibliothèque municipale de Lyon. Cette dernière reçoit de la métropole un budget (150 000 euros en 2018) et une équipe de 6 agents pour remplir sa mission : prêt aux bibliothèques de documents et de supports pour les animations, mise à disposition de ressources numériques, mission de conseil auprès des élus et des bibliothécaires. La métropole de Lyon, quant à elle, dotée d’une toute petite équipe au sein de la direction des affaires culturelles, se charge de la formation des bibliothécaires professionnels et bénévoles dans ces 40 communes, et de la logistique. Elle doit aussi stimuler la coopération, à l’échelle cette fois de l’ensemble des 57 bibliothèques présentes dans les 59 communes de la métropole, regroupant des petites bourgades rurales comme de grosses agglomérations urbaines telles que Vaulx-en-Velin. Un défi de taille, là où n’existait jusqu’à présent aucune collaboration entre les établissements, et qui repose entièrement sur la bonne volonté des communes.
Coopérer
Ces dernières années, plusieurs métropoles ont choisi de transférer tout ou partie de leur service de lecture publique à l’échelon métropolitain. A Clermont Auvergne Métropole, 21 communes et 290 000 habitants, les 16 bibliothèques, du territoire, sont intercommunales depuis 2005. A Montpellier Méditerranée Métropole, coexistent un réseau de 15 établissements métropolitains et vingt bibliothèques restées municipales qui collaborent sur des projets spécifiques comme un catalogue collectif. Différents modèles existent mais la tendance actuelle est de maintenir les bibliothèques à l’échelle municipale et de susciter des coopérations entre celles qui le souhaitent, comme à Lyon Métropole, plutôt que de transférer les équipements à la métropole. "Auujourd’hui, l’heure n’est plus au transfert des équipements, analyse Sandrine Rioux du cabinet d’ingénierie culturelle ABCD Culture, qui a réalisé en 2017 une enquête sur les modèles de lecture publique développés au sein des grandes métropoles. C’est quasiment impossible d’uniformiser un réseau sur des territoires aussi vastes. Il est préférable de gérer l’héritage historique des municipalités et de trouver un dénominateur commun pertinent."
A la métropole Aix Marseille Provence, 1,8 million d’habitants et 92 communes dont deux villes-centres que tout semble opposer, la coopération entre bibliothèques, 7 intercommunales, les autres municipales, concrétisée cette année avec la création d’un portail documentaire commun, reposera sur des conventions signées entre la métropole et les communes qui le souhaitent.
Laboratoire d’idées
Dans le Rhône, le statut de Lyon métropole a conduit le département à se redéfinir. Avec 440 000 habitants, il est désormais l’un des plus petits départements de France et essentiellement rural. La bibliothèque départementale du Rhône, qui a accompagné la métropole pendant trois ans dans la mise en place de sa mission de lecture publique, a redéfini son action selon cette nouvelle donne en renforçant la proximité avec les bibliothèques de son réseau et en développant son rôle de laboratoire d’idées et de bonnes pratiques.
Michel Rotterdam : "On crée l’envie de travailler ensemble"
Michel Rotterdam, directeur des affaires culturelles de la métropole de Lyon entend créer étape par étape les conditions d’une démarche coopérative.
Michel Rotterdam - Les inégalités préexistaient à la création de la métropole. Nous avons commencé par consulter les conférences territoriales des maires, qui regroupent les communes de la métropole en neufs bassins de vie, pour connaître leurs attentes. Il n’était pas question d’arriver en imposant notre vision de la bibliothèque. Aujourd’hui, nous créons étape par étape les conditions pour développer la coopération, pour que les élus et les professionnels adhèrent à une démarche commune et aient envie de travailler ensemble. Cela peut paraître long, mais toutes les initiatives que nous mettons en place contribuent à donner de la cohérence sur le territoire. Le réseau des bibliothèques du Grand Montréal, qui est dans les mêmes problématiques territoriales que nous, a mis douze ans à se construire.
Au départ, les maires avaient très peur d’une rupture de service après la fin de la convention avec la bibliothèque départementale du Rhône. Nous avons dû les rassurer sur ce point. Ils attendent de nous un accompagnement en ingénierie, un apport d’expertise, notamment en ce qui concerne le numérique. Ils sont très attachés à leur bibliothèque mais paniqués face à leurs contraintes budgétaires liées à la baisse des dotations de l’Etat. Ils prennent conscience qu’ils doivent entrer dans des logiques de coopération pour continuer à assurer leurs missions.
La première chose à laquelle pensent les élus, c’est une carte commune, symbole du réseau. Mais c’est d’une grande complexité à mettre en place, techniquement et politiquement, car cela veut dire que 57 communes votent une tarification unique. Et cela ne correspond pas forcément aux pratiques des usagers. Il n’est pas exclu à terme de se doter d’un équipement métropolitain, la bibliothèque municipale de Lyon a en effet une vocation métropolitaine, mais ce n’est pas la priorité dans cette première phase.
Les bibliothèques constituent un service de proximité plébiscité par les habitants et se placent au premier plan de la réflexion de la métropole sur ce qui fait sens culturellement sur notre territoire. Elles ont dépassé la notion de culture légitime pour intégrer une conception élargie de la culture. En cela, elles ont un temps d’avance sur les autres équipements.