Le dernier acte de la IIIe République. Les républiques meurent aussi. Mais on ne s'en aperçoit pas. La fin survient insidieusement. Il y a bien quelques alertes, mais rien de bien probant. Elle va tenir, elle est solide, pense-t-on. Et puis, patatras, c'est la chute fatale, celle dont on ne se relève pas. Les commentaires vont alors bon train sur le thème du « on vous l'avait bien dit ». Sauf que non, rien n'avait été dit et prédit. Pour le comprendre, il faut lire le brillant travail d'Hugo Coniez. Il revisite l'histoire de « la mort de la IIIe République », non pas avec une vision téléologique, mais au contraire comme si nous n'en savions pas la finalité. Et c'est bien ce qui rend son livre passionnant. Tout se situe au jour le jour dans les signaux faibles, les petits moments de vacillements, les lâchetés, les luttes intestines et les compromissions. Survient alors la grande crise, celle que l'on n'attendait pas : la défaite de juin 1940. Chacun se dit alors que l'état général est bien plus grave qu'envisagé. Mais on y croit encore. On espère une rémission, un sursaut, parce qu'une république ne tombe pas comme ça. Erreur.
L'effacement du régime a été consenti par ceux qui s'étaient portés garants de sa bonne santé. Hugo Coniez dresse par le menu la liste des atermoiements et des renoncements. « Jusqu'au dernier moment, ou presque, tout est resté possible. » Cette chronique d'une mort annoncée n'a pas fait tressaillir les garants de la constitution, à commencer par les parlementaires qui ont, dans leur grande majorité, signé leur acte de décès au Grand Casino de Vichy. 59 000 soldats français sont tombés après s'être battus vaillamment. Leur sacrifice n'a pas dopé l'espoir d'échapper au pire. Ce pire auquel on se résout le 10 juillet 1940 lorsqu'un nouveau régime surgit avec Philippe Pétain.
Hugo Coniez, normalien et énarque, est rédacteur des débats au Sénat. Auteur de plusieurs ouvrages de culture générale qui ont connu de beaux succès chez First Éditions, cet agrégé d'histoire signe un ouvrage édifiant sur ces deux mois de tragédie nationale. Le récit montre la frénésie qui s'empare du personnel politique. L'emballement des faits empêche tout recul, toute interrogation sur ce qui se déroule. C'est finalement moins une forme de cécité qu'une forme de renoncement généralisé comme on le dit d'un cancer. Le chancre de la lassitude se répand dans les corps constitués. L'épreuve du feu n'a rien changé. Albert Lebrun, Jules Jeanneney, Édouard Herriot, Édouard Daladier, Paul Reynaud, tous ces gens lettrés, à droite comme à gauche, ont manqué, pour Hugo Coniez, d'audace et de courage. De Gaulle, seul, poursuit la guerre.
Les bons livres d'histoire sont aussi ceux qui nous disent que le passé aurait pu se passer autrement. Ils révèlent la fragilité des institutions et pourquoi il faut en prendre soin, au moins autant que du corps social : « Les régimes politiques meurent quand leurs défenseurs cessent de croire en eux-mêmes. » Car à force d'évoquer l'effondrement, il finit par arriver.
La mort de la IIIe République. 10 mai-10 juillet 1940. De la défaite au coup d'État
Perrin
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 23 € ; 384 p.
ISBN: 9782262100223