L'élément déclencheur de la réflexion reste la réforme au 1er janvier du Régime des auteurs et artistes professionnels (Raap, retraite complémentaire). "Un auteur assume la précarité dans laquelle il s'engage, a expliqué Matthieu Gabella. Mais, dans un contexte de durcissement du marché, ces nouvelles réformes sociales sont de nouvelles attaques pour les auteurs et pointent un problème général de rémunération". En effet, après des décennies de croissance économique, la BD est entrée dans une période d’incertitude. La multiplication du nombre d’albums a fini par provoquer une diminution des ventes de chaque titre, donc de leur rentabilité pour les éditeurs comme pour la plupart des auteurs.
Le représentant du Snac BD a rappelé la marche des auteurs programmée samedi 21 mars au Salon du livre. Benoît Mouchart est revenu sur la condition spécifique des auteurs de bande dessinée qui ne peuvent "être auteur de BD en dilettante, car il y a un facteur temps incompressible, particulier à ce domaine de la création." Et comme selon Benoît Peeters, "la bande dessinée a changé d'économie en trente ans, avec aujourd'hui une création brillante et diverse et un marché qui pourrait laminer la partie la moins convenue de la création", la situation se tend.
Comme conséquence de cette dégradation du marché, Matthieu Gabella constate des relations plus difficiles entre auteurs et éditeurs. "Il y a une défiance généralisée des auteurs vis-à-vis des éditeurs et un problème dans la négociation contractuelle". Il a évoqué à la tribune la baisse des a-valoirs mais surtout l'apparition de clauses de préférence, une baisse des pourcentages de droits d'auteur dans les contrats et a soulevé la question de la durée de la propriété intellectuelle, déjà remise en cause lors des derniers débats lors du festival international de la BD d'Angoulême.
Pour sortir de la crise, chacun des intervenants a insisté sur la nécessité de dépasser le bassin de lectorat régulier de la bande dessinée estimé selon Benoît Mouchart à 600 000 lecteurs, pour toucher un public plus large "en élargissant les sujets et l'ambition de dire le monde".
"Il existe une pente régressive dans la bande dessinée. Un pan du lectorat qui voudrait essentiellement retrouver les saveurs de l'enfance, a fait remarquer de son côté Benoît Peeters. C'est respectable mais cela ne peut être l'avenir du secteur."
Moïse Kissous, P-DG de Steinkis, présent dans la salle, en rebondissant sur la nécessité de s'ouvrir à un public le plus large possible a présenté la troisième édition des 48hBD, qui se tiendra les 3 et 4 avril. Pour cette opération, 216 000 albums seront diffusés à 1€ dans les librairies partenaires.