C’était en octobre 2010, dans la petite ville finlandaise d’Heinola au nord d’Helsinki. C’est là que se déroulaient depuis onze ans les championnats du monde de sauna. Seulement voilà, ce dimanche-là, la farce avait rendez-vous avec la tragédie. Les deux finalistes du championnat, présumant de leurs forces, restèrent trop longtemps dans leur caisson porté à une température de 110 °C. L’un fut grièvement brûlé, l’autre décédera des suites de ses blessures. Et plus jamais l’épreuve ne fut organisée.
En refermant Chaleur, le roman noir que consacre le Suisse Joseph Incardona à ce fait divers, les familiers de son œuvre traversée d’hommes solitaires, de no man’s land et du chagrin des crépuscules se diront qu’il ne pouvait pas louper ça. Et de fait, avec une belle frontalité, en donnant la part belle à la tristesse, à la gravité et en se refusant les facilités de l’ironie, l’auteur de Derrière les panneaux il y a des hommes (Finitude, 2015, grand prix de Littérature policière) réussit son coup. On ne peut que s’attacher à ses deux navrants héros. Niko le Finlandais, la quarantaine flamboyante, qui, tenant du titre et star du hard "dans le civil", ne croit qu’au corps, ne craint que le temps enfui. Igor le Russe, son challenger, ancien officier soviétique de l’Armée rouge, pour qui, quoi qu’il arrive, ce sera le bout de la route. Joseph Incardona orchestre avec brio cet oratorio pour des imbéciles magnifiques. O. M.