Imec

Imec, mémoire vive

La salle de lecture de la bibliothèque de l’Imec. - Photo IMEC

Imec, mémoire vive

L’Institut mémoires de l’édition contemporaine fête cet automne les dix ans de son installation à l’abbaye d’Ardenne en Normandie. Retour sur cette institution singulière.

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Par Véronique Heurtematte
Créé le 21.11.2014 à 01h03 ,
Mis à jour le 21.11.2014 à 10h26

Aux portes de Caen, l’abbaye d’Ardenne, havre de paix noyé dans la verdure, offre un cadre de travail idéal aux chercheurs venus se plonger dans les trésors que recèlent les archives de l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (Imec). Quand elle s’installe dans ce coin de Normandie il y a tout juste dix ans, en octobre 2004, cette institution singulière a déjà une quinzaine d’années d’existence. En 1988, trois chercheurs et professionnels de l’édition, Jean-Pierre Dauphin, Olivier Corpet et Pascal Fouché, décident de créer un organisme ayant pour mission de rassembler, conserver et valoriser des fonds d’archives sur les maisons d’édition, le livre et les différents acteurs de la création littéraire contemporaine, écrivains, traducteurs, critiques, graphistes, libraires, journalistes. "A l’époque, il n’existait pas de lieu dédié à la conservation des archives dans le domaine de l’édition et des métiers du livre. La création de l’Imec a comblé un manque", rappelle André Derval, directeur des collections de l’Imec, qui nous sert de guide parmi les précieuses archives.

La première page du manuscrit d’India song de Marguerite Duras.- Photo FONDS MARGUERITE DURAS / ARCHIVES IMEC

Trois fonds

L’Imec s’installe tout d’abord rue de Lille, à Paris, mais se trouve vite à l’étroit dans ses petits locaux. Un accord avec le conseil général de Basse-Normandie permet de redonner vie à l’abbaye d’Ardenne, tombée en ruine après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, et offre à l’Imec des espaces à la hauteur de ses missions.

La bibliothèque prend place dans le cadre vertigineux de l’abbatiale. Elle propose 55 000 documents en accès libre, organisés en trois fonds : la bibliothèque d’étude, qui donne accès à l’œuvre des auteurs dont les archives sont conservées à l’Imec et à la production sur ces auteurs, essais, traduction, travaux universitaires, dossiers de presse ; la bibliothèque spécialisée, construite autour des archives du Cercle de la librairie et qui regroupe les ouvrages sur l’histoire et les métiers du livre ; et la bibliothèque de revues dans les domaines de l’art, de la littérature, des sciences humaines et de l’édition, qui propose en particulier les cahiers d’amis.

Les archives, dont les deux premiers fonds accueillis furent ceux de Louis-Ferdinand Céline et de Jean Genet, comptent 560 fonds et collections, qui représentent 27 kilomètres linéaires de documents. La plupart sont des imprimés, mais les archives recèlent également des photographies, des affiches, ou encore des maquettes de décors de théâtre.

Contesté lors de sa création par une partie des professionnels des archives, l’Imec semble aujourd’hui avoir trouvé sa place dans le paysage. Et si des progrès restent encore à accomplir, en particulier dans la diffusion plus large de ses collections, nul ne conteste aujourd’hui à l’Imec son rôle de mémoire vive de l’édition et de la création littéraire contemporaine.

"Différents et complémentaires"

 

Pour la directrice générale de l’Imec, Nathalie Léger, il est indispensable de faire comprendre la nécessité de préserver le patrimoine écrit.

 

"La vision intelligente de la recherche est une vision transversale." Nathalie Léger- Photo OLIVIER DION

Nathalie Léger : L’abbaye d’Ardenne est un lieu désormais reconnu à part entière dans le paysage des archives littéraires et éditoriales. En dix ans, nous avons réussi à convaincre les chercheurs de venir ici, en Normandie, alors qu’ils étaient, dans un premier temps, plutôt hésitants. Au départ, on leur offrait le voyage en train depuis Paris ! Il faut être à la fois patient et actif. L’enjeu de la proximité était également très important. Nous sommes aujourd’hui identifiés comme un lieu culturel ouvert, fortement implanté dans la région. Nous avons des partenariats solides avec l’Université de Caen Basse-Normandie et avec les principaux acteurs culturels, notre programmation attire le public local. Nos rencontres avec des écrivains, notamment, font salle comble à chaque fois. Par ailleurs, nous renforçons notre visibilité à l’échelle internationale. Nous avons repensé notre site Internet, mis en place un service d’accueil à distance et une équipe qui aide les chercheurs à organiser leur séjour, nous avons établi des partenariats avec de grandes institutions étrangères pour l’accueil de chercheurs et l’organisation de colloques.

Notre principal objectif est d’ouvrir encore davantage nos collections. Nous allons achever en 2016 la restauration d’un bâtiment qui sera exclusivement dédié aux expositions. C’est essentiel pour montrer nos plus belles pièces et permettre aux visiteurs de saisir la richesse de notre collection. Nous avons également en projet la publication d’un beau livre qui mettra en valeur les archives que nous conservons. Nous souhaitons également renforcer nos actions pédagogiques, déjà importantes avec les scolaires, par des partenariats avec différents centres de formation de la région. Il est indispensable de faire largement comprendre la nécessité de préserver le patrimoine écrit.

Tout d’abord, nous devons veiller à mettre en adéquation l’enrichissement de nos collections et la mise en œuvre des moyens adéquats en termes de traitement et de stockage. Pour composer nos collections et accompagner la recherche, qui est notre mission première, il est essentiel de travailler sur la diversité des champs disciplinaires. A la création de l’Imec, on nous reconnaissait une légitimité sur l’édition mais pas sur la littérature ! Or l’une ne va pas sans l’autre. La vision intelligente de la recherche est une vision transversale. C’est le croisement des disciplines que les chercheurs explorent aujourd’hui. C’est ce mouvement que nous accompagnons.

C’est en effet une question importante pour les années à venir, et j’ai demandé à notre conseil scientifique d’élaborer avec nous un cahier des charges. Nous recevons et traitons déjà, bien sûr, des documents numériques, je pense par exemple aux archives de Jacques Derrida. Hanté par la perte et la disparition, il enregistrait de nombreuses versions de ses documents. Le travail sur les archives numériques est, d’une certaine manière, le même que sur les archives papier : conserver, décrire, communiquer, mais avec des outils technologiques différents. C’est un vrai chantier à ouvrir pour demain.

Les statuts, les missions, l’histoire de l’Imec en font un organisme singulier. En tant qu’association, nous avons plus de souplesse et de réactivité qu’une grande institution et la capacité d’entretenir une réelle proximité avec nos donateurs. C’est un aspect qui rassure nombre d’entre eux. Mais l’Imec n’a pas été créé pour supplanter des institutions comme la Bibliothèque nationale de France, avec qui je souhaite coopérer, ou les Archives de France, qui ont été très impliquées dans notre installation à l’abbaye d’Ardenne et sont membres de droit de notre conseil scientifique. Nous sommes différents et complémentaires. Ce qui est intéressant, c’est de travailler sur la mission d’intérêt général qui nous rapproche, pas de cultiver les clivages.


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