Quel regard portez-vous sur l'année qui vient de s'écouler ?
Ce fut une année assez difficile au départ, en partie à cause du Brexit. Nous avons dû arrêter assez vite de vendre des livres en direct dans l'Union Européenne, ce qui a été assez frustrant, avec un impact sur nos finances évidemment. Suite au changement de loi sur la TVA, les acheteurs sur notre site se sont vus obligés de payer une taxe à la livraison avec une somme chaque fois différente pour tous les territoires européens. Autre conséquence inattendue du Brexit : les frais postaux ont augmenté mais pas seulement pour l'Europe mais pour le monde entier donc ça nous coûte plus cher de vendre des livres aux États-Unis ou en Australie qu'il y a quelques années. (...) C'est devenu un problème administratif incompréhensible avec des livres retenus en douane, des frais qui varient sans qu'on n'y comprenne rien. On ne sait pas vraiment ce qu'il en est donc ça ne vaut pas le coup de le faire avant d'avoir un peu de clarté sur la situation.
Quelles solutions voyez-vous se dessiner ?
Pour l'instant notre distributeur, GBS, basé dans le Lincolnshire (centre-est de l'Angleterre), lié à Penguin Random House, envoie tous nos livres dans le monde entier. Notre marché principal, c'est quand même la Grande-Bretagne et l'Irlande, mais l'Europe est un marché important et qui prenait de l'ampleur, surtout l'Allemagne et dans les pays scandinaves, donc je pense que la solution à terme - ça impliquera, qu'entre éditeurs, nous trouvions une solution - serait d'avoir un distributeur sur le sol européen - le plus logique serait en Irlande - ce qui nous permettrait d'acheminer les livres sans complications d'impôts ou de frais postaux supplémentaires.
Quel sentiment suscite le Brexit dans vos conversations avec vos confrères éditeurs outre-Manche ?
De la frustration pour ne pas dire du désespoir. Car nous, éditeurs, avons l'impression d'être coupés de l'Europe de manière symbolique aussi bien que commerciale et je crois que nous avons tous à cœur de continuer notre travail en matière de traduction pour garder ces liens avec l'Europe et le reste du monde. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que c'est une conséquence assez désastreuse. Pour ce qui est des éditeurs dont je suis proche, tous sont proeuropéens.
Comment voyez-vous la situation évoluer à terme ?
Je suis à la fois optimiste et pessimiste. Optimiste pour l'avenir de la maison qui a 7 ans maintenant, avec un catalogue vivant, beaucoup d'excellents livres que nous allons sortir l'année prochaine et dans les années qui viennent. Ça ne va pas changer notre façon de travailler chez Fitzcarraldo : nous allons garder nos liens avec l'Europe, essayer de faire traduire nos auteurs anglophones le plus possible et continuer d'être une maison avec un rayonnement international.
Va-t-on vers un repli de la Grande-Bretagne ?
Oui, nous allons vers un repli forcé car nous n'avons plus le même réseau en termes de distribution. Nous n'aurons plus la même influence. Il y a des choses concrètes qui sont des conséquences directes du Brexit. Creative Europe, un programme de subvention de l'Union Européenne auquel nous avons postulé nous en tant qu'éditeur britannique il y a quelques années nous a permis de bénéficier de subventions pour un programme de publications d'auteurs européens. Et nous avions reçu un soutien pour six ouvrages de 50 000 ou 60 000 euros sur 18 mois qui nous aidait sur les frais de traduction et d'impression. Et maintenant, post-Brexit, nous n'avons plus accès à ce genre de soutiens, ce qui aura une conséquence sur le nombre de traductions éditées en Grande-Bretagne.