Toujours provocateur, il a ensuite déroulé son programme : "Je serais un président corrompu. J'interdirais les éditeurs sur le net. Je lancerais une chaîne de librairies Ellroy. Je subventionnerais les libraires partout à Paris. Je distribuerais de la cocaïne et du crack car ça vous met dans un état où on ne peut pas résister à un bon livre. J'aurais aussi un business lucratif en vendant des armes nucléaires car je redistribuerais l'argent dans les librairies et les bibliothèques."
En véritable show man, "the dog" a répondu aux questions de Fabrice Piault, rédacteur en chef de Livres Hebdo, sur ses rapports à l'édition, aux librairies indépendantes et aux bibliothèques publiques "où il a grandi en lisant des livres", jouant la provocation mais dénonçant Internet –"On ne met pas un ebook sur une étagère" – et encourageant les lecteurs à se rendre dans les librairies.
La France en tête
"J'ai trois éditeurs excellents : Knopf aux Etats-Unis depuis 26 ans, Random House au Royaume-Uni et Rivages en France. Vous savez où je vends le plus ? En France. La France is "yeahhh". Elle fait un 8e de la superficie des Etats-Unis et j'y vends deux fois plus de livres", a-t-il déclaré. L'auteur du Dahlia noir s'est montré très soucieux du travail sur ses livres, la lecture de l'éditeur, la correction des épreuves, le choix de la couverture, "avec une belle photo de moi en couverture", le choix de la promotion. "Je suis un dog chez les requins", a-t-il proclamé (le logo de Knopf représente des dents de requin). "Le livre porte mon nom, mes mots figurent sur les pages : il doit être parfait", a-t-il expliqué.
S'il a reconnu qu'il avait espéré "s'acheter une voiture de sport, sortir avec une super nana, habiter Beverly Hills, acheter des fringues à la mode" avec ses premiers droits d'auteur (3 500 dollars, ce qui correspondait "à 3 cents de l'heure"), il a avoué qu'il avait attendu six livres avant de pouvoir quitter son job de caddie sur un terrain de golf. "C'était le plus beau jour de ma vie. J'avais écrit un livre, un éditeur m'avait donné de l'argent. C'était une sorte d'appel spirituel, sacré, c'était une passion."
La menace Internet
James Ellroy ne dénonce pas Amazon "qui vend ses livres" mais s'insurge contre le net. "Un écrivain publié sur Internet est un écrivain de seconde zone. Cherchez un vrai éditeur", a-t-il martelé, sous les applaudissements. Pour l'auteur de L.A. confidential, Internet fait aussi beaucoup de mal à la lecture. "Mes meilleurs amis n'ont plus le temps de lire mes livres, qui sont plutôt volumineux. Le temps que les gens passent sur Internet à envoyer des mails, acheter des vêtements, chercher un partenaire sexuel... se fait au dépend de la lecture."
"Même à 25 ou 30 dollars, le livre n'est pas cher. Un film coûte 14 ou 15 dollars, auxquels il faut ajouter le pop-corn et le Coca, et est fini en deux heures. Il faut faire passer ce message : le livre est accessible et intéressant d'un point de vue financier", a-t-il conclu, insistant sur le fait que le livre permettait de "vivre des émotions et des expériences différentes qu'on n'a pas accroché à un ordinateur".
Une conclusion qui ouvrait le débat suivant avec Thomas H. Cook, Megan Abbott, David Joy et Tom Cooper sur le nouveau roman noir américain, qui dit l'Amérique d'aujourd'hui, de "l'homme abattu devant notre porte " au chaos de la Nouvelle-Orléans abandonnée par le gouvernement américain.