Quand il se réveille à l'hôpital, on lui annonce que sa copine est morte. Il ne s'agissait pas vraiment de sa petite amie mais il ne relève pas.Qu'importe qu'elle ait été ou non sa fiancée, la nouvelle qui compte pour le narrateur du Lâche de Jarred McGinnis est qu'il est en vie. Le revers de cette médaille miraculeuse, c'est que le rescapé de l'accident de voiture ne pourra plus marcher. Comment ça plus marcher ! Combien de temps la convalescence va-t-elle durer, s'enquiert-il. Le temps qu'il faudra pour se rétablir peu ou prou. Voire un peu moins, puisqu'il aura définitivement perdu l'usage de ses jambes, et vu le système de santé aux États-Unis, où les soins de suite sont exorbitants. On lui demande déjà qui pourra s'occuper de lui une fois sorti de l'hôpital. Personne. Si, à bien y réfléchir : son père qu'il n'a pas vu depuis dix ans... Et Jarred McGinnis de reconstituer, dans le même temps qu'il ourdit cette vie d'après de l'accidenté, les morceaux du puzzle d'un passé chaotique : père veuf inconsolable reclus dans sa violence et son alcoolisme, jeunesse problématique du héros abandonné à lui-même, ses propres excès.
Que faire lorsqu'on est condamné à avoir « l'air d'un patin à roulettes géant » ? La glisse semble malaisée pour éviter les déconvenues dans ce monde hyper fluide où la circulation reste peu commode pour le handicap. En outre, le jeune homme affronte désormais le regard condescendant de certains de ces congénères bipèdes bien portants. Ou des interrogations ineptes. Du genre, s'il pourra remarcher un jour ? Réponse de l'intéressé : « Pas sûr d'avoir envie. Je trouve plus facilement à me garer comme ça. » Antihéros cabossé, kleptomane déjanté, shooté aux antidouleurs... Injectant la juste dose d'humour qui désamorce la charge de pathos inhérente aux drames, l'auteur n'entend pas qu'on s'apitoie sur son narrateur. Cela étant dit, la colère noire, les frustrations cruelles, la peine profonde... rien de tout cela n'est évité. Cette traversée du désert en fauteuil roulant pose seulement au jeune homme la question qui se pose à tous lorsque la fatalité vous tombe dessus : que choisir lorsqu'on n'a guère le choix ? Surtout pas de self-pity mais le combat. Inlassable est la lutte. Il faut sauver le soldat Sisyphe. Le lâche est un autoportrait en bris de miroir du primo-romancier américain qui a grandi entre la Floride et le Texas, a vécu en Écosse et vit aujourd'hui à Marseille. Dans ses reflets, on perçoit les cicatrices de l'homme traumatisé qu'il fut. Également le sourire contemporain d'un Sisyphe heureux.
Le lâche Traduit de l’anglais par Marc Amfreville
Métailié
Tirage: 6 600 EX.
Prix: 22 € ; 352 p.
ISBN: 9791022612142