Je souhaite répondre à trois messages reçus en réaction à ce blog. Le premier venait de Constance Krebs, qui note que j’ai esquinté le nom d’une correctrice d’édition. Et j’en suis bien confus, d’autant plus que ça m’agace assez moi-même lorsque on écorche le mien (« Et vous avez un rapport avec les éditions Tallandier ? – Non. Car je ne m’appelle pas Tallandier , figurez-vous . ») Maintenant, chère Constance (on se connaît un peu, et je crois qu’on se tutoie), tu devrais me dire combien d’écrivains ont exprimé leur solidarité avec les correcteurs/trices de l’édition. Ça aurait mérité d’être relevé, non ? Je n’en connais d’ailleurs aucun(e). Il semble y avoir une loi non écrite de l’édition, qui veut qu’on ne les rencontre pour ainsi dire jamais. Est-ce une affaire de respect humain ? Redoute-t-on que nous n’ayons honte de croiser le regard de celui ou celle qui a repéré toutes nos négligences, toutes nos bourdes, tous nos solécismes, toutes nos fautes d’orthographe ? Il est bien certain que cette catégorie professionnelle est détentrice de redoutables vérités… Autre message, signé Kergoat : « Je trouve quand même dommage que vous vous vantiez d'acheter vos livres à Monop'. Que faites-vous des libraires qui par ailleurs défendent et vendent vos propres ouvrages, enfin c'était le cas jusque là en ce qui me concerne. » Je vous assure, cher Kergoat, que c’est tout à fait exceptionnel. Je cherchais des chaussettes, j’ai trouvé Musso. Ça s’appelle, je crois, un achat d’impulsion. Pour le reste, je ne suis pas en vente à Monoprix, moi, et je sais fort bien que si mes livres rencontrent des lecteurs, c’est grâce à des gens comme vous. Il ne saurait y avoir d’ambiguïté sur ce point, du moins je l’espère. Et puis il y a le message amical de Véronique de Bure, qui m’a bien fait plaisir. On s’est croisés, il me semble, dans d’autres vies. Elle travaillait dans l’édition et moi j’étais le nègre d’un Général. J’ai toujours bien aimé faire le nègre (avis aux amateurs). On apprend beaucoup en entrant dans la vie des autres. Je ne devrais d’ailleurs pas en parler, mais je pense qu’il y a prescription. Ce général était fort sympathique. Il me convoquait pour travailler chez son vieux copain Francis Crémieux. Qui n’a pas vu Francis Crémieux, homme de grande culture et dernier des Mohicans staliniens, en son hôtel particulier du XIV° arrondissement, parmi ses livres et ses objets d’art, se chamailler avec un général gaulliste sur le comportement du PCF en 1940, ignorera toujours ce que furent les ombres et lumières du communisme français. Tous deux avaient été de courageux résistants. Le père de Francis, intellectuel remarquable, était mort en déportation. J’attendais en contenant mes soupirs (car je n’étais pas payé bien cher) que ces messieurs achevassent de se mettre d’accord. Le général me prenait à part et grommelait : « Dites, Taillandier, je suis quand même mieux conservé que lui, non ? » Le message de Véronique a fait remonter d’un coup ces souvenirs. Les souvenirs revêtent parfois un charme que le présent ne comportait pas. * Je suis bien désolé pour Emmanuel Carrère qu’il se soit vu décerner le « prix Marie-Claire du roman d’émotion ». L’existence d’un prix pareil me désole plus encore, et non pas pour Carrère, mais pour la cause des femmes, cause qui m’est chère (non, ne riez pas) et qui est à mon sens entachée par une telle initiative. C’est quoi, un « roman d’émotion » ? A quand le prix Bécasses ? Bertrand de Saint-Vincent note à ce sujet dans Le Figaro que les femmes sont les dernières à croire au roman. C’est un peu vrai – mais ça l’était tout autant, me semble-t-il, au temps de Balzac, et même de La Calprenède.