La préhistoire ne cesse de nous fasciner. Récemment encore, l'ouverture de la grotte Cosquer reconstituée à l'identique atteste l'engouement du public pour les peintures rupestres. Mais à propos de ces dessins exécutés à l'aube de l'humanité sur des parois rocheuses, la question s'est posée de savoir si l'art pariétal est un art. En d'autres termes : quelles étaient les intentions de ces premiers humains ? Étaient-ils conscients que leur création avait quelque rapport avec l'idée de beauté ? Et pourquoi dans les cavernes, à l'abri des regards extérieurs ? Après avoir répertorié les multiples formes rencontrées dans ces sites préhistoriques, dressé des nomenclatures de motifs animaliers ou de mains, les préhistoriens ont tenté de trouver une thèse unificatrice justifiant ces expressions picturales. La récurrence de figures féminines a nourri la théorie selon laquelle l'art pariétal aurait trait aux rites de fertilité. Le fait que la caverne est symboliquement un antre matriciel corrobore en outre une vision influencée par les notions d'archétype (C. G. Jung) ou de structures primordiales (Mircea Eliade). Même les plus grands préhistoriens comme l'abbé Breuil se sont laissé prendre à leur insu dans les rets de leurs préjugés. Ledit abbé, auteur de Quatre cents siècles d'art pariétal (1952), plaçant sans doute le figuratif au-dessus de l'art abstrait, considérait l'évolution de l'art préhistorique vers la géométrisation comme une forme de dégénérescence... Rien de tel ici. À travers La caverne originelle, Jean-Loïc Le Quellec entend faire un état des lieux des connaissances critique afin de reformuler la question de l'art dans les grottes et de réfléchir aux mythes parmi ces « premières humanités ». C'est selon des principes épistémologiques renouvelés (une base de données recensant quatre cent cinquante-deux cavités) que l'anthropologue lauréat du prix Burkhart de l'archéologie 2008 relit les diverses interprétations en cours. Les nombreuses illustrations accompagnant le propos ainsi qu'une écriture pédagogique et fluide rendent accessible cette somme magistrale, entre grammaire des styles et généalogie de l'ornement préhistorique. L'auteur étaye avec force conviction sa théorie d'un grand mythe de la création sous-tendant l'art pariétal. Celui de l'« Émergence primordiale » qui a essaimé sur la surface de la terre à mesure que les Sapiens arpentaient de nouveaux territoires hors du continent africain. Mythe vivace à ce jour en plusieurs endroits du globe. Aussi est-ce bien la mémoire de cette sortie des êtres chthoniens hors de la grotte primordiale que nos ancêtres du Paléolithique célébraient par le biais d'images ritualisées sur les parois de leurs cavernes.
La caverne originelle. Art, mythes et premières humanités
La Découverte
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 35 € ; 896 p.
ISBN: 9782348068874