Avant-critique Essai

Josette Elayi, "Nabuchodonosor" (Perrin)

Josette Elayi - Photo © DR/Perrin

Josette Elayi, "Nabuchodonosor" (Perrin)

Rentrée littéraire

Dans une biographie inspirée, Josette Elayi traque la vérité derrière la légende de Nabuchodonosor II, roi de Babylone entre 605 et 562 av. J.-C.

Parution 9 janvier

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Par Laurent Lemire
Créé le 04.12.2024 à 14h00

Au temps de Babylone. Face à des sources disparates et lacunaires, comment faire de l'histoire ? Ce défi est au cœur du bel ouvrage de Josette Elayi, car il concerne un personnage corseté par sa légende : Nabuchodonosor II (642-562 av. J.-C.). Durant quarante-trois ans, de 605 av. J.-C. à sa mort, il a régné sur Babylone dont il a fait la première mégapole du Proche-Orient dans l'Antiquité, une capitale du luxe, de l'art et du savoir. Mais ce roi héroïque qui a bataillé et pillé, cherché à évincer l'Égypte de la Palestine, ouvert des routes à travers les forêts du Liban, étendu sa domination sur tout le « Croissant fertile » de la Syrie au Sinaï, s'est vu tressé par le prophète Daniel une image terrifiante. Dans la Bible, il le montre comme un monarque fou conquérant Jérusalem, détruisant le temple de Salomon et déportant les Judéens à Babylone. Qu'en sait-on réellement ? Les inscriptions cunéiformes sont rares, incomplètes et les textes bibliques sujets à caution. En l'absence de documents, cette grande historienne interroge aussi le mythe. Sa connaissance du latin, du grec, de l'hébreu, de l'araméen et de l'akkadien l'autorise à circuler librement dans ces éléments disparates. L'intelligence artificielle − Nabuchodonosor est par ailleurs le nom d'un supercalculateur ! − proposera peut-être un jour au chercheur une cohérence entre les textes administratifs, les inscriptions royales et la Bible, mais pour l'heure il faut faire avec les bonnes vieilles méthodes. En français, il n'y avait rien depuis la biographie de Daniel Arnaud, Nabuchodonosor II, roi de Babylone (Fayard, 2004). Ce travail inspiré tombe donc à pic pour tenter un nouveau portrait moins religieux et plus politique de ce bâtisseur lettré et « premier roi archéologue de l'Histoire ». À partir du VIe siècle av. J.-C., dès sa mort, un mélange de fascination et de haine s'installe. Josette Elayi révèle comment cette « légende noire » de Nabuchodonosor a été corrigée par les romantiques. Le « chœur des esclaves » du Nabucco de Verdi (1842) désigne certes les Hébreux mais exalte aussi l'appel de tout peuple pour son indépendance, à l'instar de celui d'Italie alors opprimé par l'Autriche. La grandeur, c'est bien l'obsession de Nabuchodonosor, ce conservateur respectueux de la tradition et de la religion, grand dévot se référant au dieu suprême Marduk, qui met fin au royaume de Juda pour renforcer son pouvoir auprès des États occidentaux qu'il appelle le Hatti, c'est-à-dire le Levant. Par éponymie, ce souverain désigne aujourd'hui une bouteille pouvant contenir quinze litres de vin. Une autre façon de voir grand...

Josette Elayi
Nabuchodonosor
Perrin
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 23 € ; 320 p.
ISBN: 9782262105150

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