Au commencement était le noir. Un noir un tantinet inquiétant. C'était il y a très, très longtemps. Puis on a senti une petite secousse, encore une onde et ça a éclaté de partout. Ensuite on a vu un autre petit point. Puis un autre et encore un autre. Tout ce petit monde a fini par faire connaissance. De leur union sont nés des formes et du mouvement. Et la lumière fut ! Avec elle sont venues des couleurs et de nouvelles formes, triangle, carré, rond et aussi d'autres qui ressemblent à des cailloux ou à des feuilles. Puis on a peint le jour, et peint la nuit. Cela a créé des paysages, des femmes, des hommes, des maisons et même un alphabet. Ce récit étrange est celui de l'origine de la vie. Julie Safirstein a eu l'audace de s'attaquer à ce sujet périlleux et ne s'est pas arrêtée en si bon chemin : son narrateur singulier est peut-être la première particule vivante.

D'un bout à l'autre de cet album iconoclaste, l'imagination est au pouvoir. C'est la rencontre, la curiosité, la générosité qui ont engendré l'univers, semble nous murmurer le narrateur. Cette vision poétique du big bang est servie par un graphisme minimaliste qui superpose des calques sur les lignes, points, taches et peintures pour réenchanter l'histoire de la vie. Si les premières pages sont nimbées d'un noir originel teinté d'inquiétude, celles de la fin sont un éloge de l'ombre. « J'ai vu une forme noire apparaître sous le citron que je venais de dessiner. » Fort heureusement ce noir-là est chaud et rassurant. La boucle est bouclée et tout est bien qui finit bien.