Benoît Philippon, dont Cabossé est le premier roman dans la "Série noire", vient du cinéma, et ça s’entend. Scénariste, réalisateur d’un premier long-métrage avec un casting international (Lullaby for Pi en 2010), il a imaginé, mêlant une mythologie de films de genre "ricains" avec des dialogues à la Audiard, la mortelle randonnée d’un couple d’accidentés de la vie.
Raymond alias Roy admire Marlon Brando dans L’équipée sauvage mais n’a pas vraiment le physique de son héros. La vie de ce gaillard de 42 ans, né à Clermont un 1er avril, a tout d’une farce : une tête à faire peur, une famille déglinguée, une succession de "boulots à la con". Roy est un colosse en qui sommeille "la Bête", réveillée la première fois quand le père a tué sa petite sœur adorée. Ses poings de boxeur retraité parlent plus vite et mieux que lui. C’est une "cocotte-minute" sous pression mais avec un petit cœur qui bat à l’intérieur de sa grande carcasse. Et Guillemette va en trouver l’accès, elle qui dès leur premier chat sur un site de rencontre aime bien sa "façon de s’exprimer". Par précaution, il demande lors de leur premier rendez-vous de laisser les lumières éteintes. Au matin, la Belle ne fuit pas son prince à la gueule cassée et devient sa "luciole", même si, comme lui, elle est cabossée, à l’intérieur.
Un passage à tabac et un meurtre plus tard, ils partent en cavale, avec le Massif central pour Far West. Elle sera semée de cadavres. Et de rencontres inattendues. Mention spéciale à la grand-mère défendant au fusil Kruger la 4L que nos Bonnie and Clyde du Cantal tentaient de lui braquer, mais qui finit par apprivoiser les deux fugitifs avec une bonne soupe, puisqu’elle estime que "c’est pas parce que t’as une sale tronche que t’as pas une bonne tête".V. R.