L'organe consultatif allemand travaillait depuis un an sur le sujet, dont il s'était autosaisi après une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) déclarant que la réglementation du prix du médicament en Allemagne n'était pas compatible avec celle de l'Europe. La commission des monopoles a établi un parallèle entre les deux secteurs.
Consensus
La publication du rapport sur "Le prix fixe du livre dans un marché en mutation" n'a donc pas surpris les professionnels du secteur qui l'attendaient, mais cet avis est néanmoins jugé sérieux et inquiétant, bien qu'il ne soit pas contraignant et n'ait pas été sollicité par le gouvernement. Comme en France, la réglementation sur le prix du livre fait l'objet d'un consensus au sein de la classe politique qui n'envisage pas de le remettre en cause. Saisie en 2000 lors de la préparation de la loi sur le prix fixe, la commission des monopoles s'était déjà prononcée contre ce texte, qui avait néanmoins été voté en 2002.
Sans attendre la publication du rapport, le Börsenverein, fédération allemande du commerce du livre qui rassemble éditeurs et libraires, avait déjà décidé de fournir une contre-argumentation solidement étayée sur l'efficacité de la réglementation et a budgété 300 000 euros pour financer une étude confiée à l'économiste Georg Götz et à l'avocat Andreas Fuchs, spécialiste du droit de la concurrence, selon Buchreport. Leur travail est attendu dans un an, au deuxième trimestre 2019.
Comme en France, la loi sur le prix du livre vise à entretenir la diversité éditoriale via celle du réseau des librairies, dont elle permet de maintenir la densité en évitant la concurrence par le prix qui favoriserait la concentration des ventes sur un petit d'acteurs. La préservation du réseau de librairies entretient aussi la visibilité du livre, et facilite son accès. La loi a remplacé un accord interprofessionnel historique, condamné au nom de la lutte contre les cartels. En 2016, elle a été étendue au livre numérique, dans le même esprit de nécessité de promotion de la diversité d'un bien culturel particulier.
"Opinion néolibérale"
La commission considère notamment qu'à l'ère d'Internet, la densité du réseau des librairies physiques n'est plus nécessaire pour soutenir l'accès aux livres. Alexander Skipis, directeur général du Börsenverein, répond que la commission n'émet qu'une opinion néolibérale, reprenant des recherches dépassées et de mauvaise qualité, sans avoir pris la peine de mener elle-même une enquête à partir des données de production et de ventes actuelles. Il rappelle aussi que l'accord encadrant la politique du gouvernement de coalition a renouvelé son soutien au prix fixe du livre, jugé essentiel au maintien de la diversité du marché.
La réglementation en Allemagne est plus rigoureuse qu'en France, n'autorisant pas de rabais de 5%. Elle n'a nullement empêché l'implantation d'Amazon, dont le dynamisme n'a pas anéanti celui des librairies, indépendantes ou de chaînes, parmi les plus denses d'Europe. Elle est parfois contournée via la vente à prix réduits de livres comportant des malfaçons, avec des questions sur l'origine intentionnelle de ces défauts de fabrication. La décision de la CJUE en 2016 avait suscité des questions chez les professionnels du livre, s'inquiétant qu'elle puisse servir d'appui à un acteur ayant intérêt à la fin de la réglementation.
En France, lors de la préparation de la loi sur le prix du livre numérique votée en 2011, l'Autorité de la concurrence avait été sollicitée et avait émis un avis réservé, suggérant d'attendre avant de prendre une décision, ce que n'avait pas été suivi.