Dans la famille Le-Tan, voici la fille (cadette). Le père, Pierre, est sans doute le plus doué, le plus élégant et le plus « littéraire » des dessinateurs français. La fille aînée, Olympia, est la plus « trendy » des créatrices de mode, imposant en quelques années un univers à l’érudition joyeuse. De la cadette, Cléo, 28 ans l’été prochain, on ignorait presque tout, si ce n’est le frais minois promené joliment de fête en fête, moitié Betty Boop, moitié Annabel de la génération électro. Avec son premier roman, Une famille, réjouissante dragée au poivre, nous voilà mis au parfum de l’adorable et tout de même atroce dinguerie de cette petite tribu dysfonctionnelle. Résumons : après vingt-sept ans de mariage (et presque autant de malentendus embarrassants), Michel Du-Vrê, un artiste reconnu, Parisien issu d’une famille vietnamienne, quitte sa femme, Beaule, d’origine anglaise. Pour leurs trois enfants, Homère, Pénélope et Wilo, cet épilogue n’est guère une surprise, pourrait être une libération et ouvre surtout la boîte de Pandore des souvenirs, ceux d’un foyer et au-delà d’une famille, marqué par la forte personnalité du père, qui voulut réinventer la vie, ne jamais céder à l’obscénité de l’esprit de sérieux et faire du roman familial une comédie musicale du style La mélodie du bonheur. Seulement voilà, le problème avec les fous, fussent-ils géniaux, c’est surtout ceux qui ne le sont pas…
Charles Addams, le créateur de La famille Addams, est l’un des dessinateurs favoris de Pierre Le-Tan. Le livre de sa fille en est comme une « novélisation » parisienne, mais où Morticia, la mère, largement aussi inquiétante que dans la version originale, serait nettement plus méchante. Néanmoins, en l’état, cette Famille a tout pour plaire à ceux qu’enchantent les courts-circuits heureux du quotidien. O. M.