23 mars > Roman Mexique > Sergio Schmucler

La calle Amsterdam, à Mexico, a un tracé original : sa forme en ellipse fait qu’on revient toujours à son point de départ. Elle a d’abord été un hippodrome, au XIXe siècle, avant de devenir la rue principale d’un quartier résidentiel neuf "reflet du Mexique nouveau". Galo a 7 ans le 7 septembre 1939 quand son père, menuisier, quitte définitivement la maison de cette rue Amsterdam, dont il a hérité, abandonnant sa femme et son fils pour partir avec sa maîtresse. A partir de ce jour, le fils choisit de ne plus sortir de chez lui et de rester près de la chaise que son père lui a fabriquée.

Sergio Schmucler, né à Buenos Aires mais exilé à Mexico à l’adolescence, écrit sans jamais quitter le point de vue de son personnage, la vie d’un assigné à demeure volontaire que ses proches prennent pour un simple d’esprit et qui va pendant toute sa vie voir défiler le monde sans quitter sa rue. Il apprend des locataires successifs de deux pièces de la maison l’histoire et la géographie, mais surtout "des choses sur l’âme des hommes", sur leurs sentiments "faits de souvenirs et d’oublis". Il consigne des intuitions poétiques et profondes dissimulées derrière des observations naïves : le pouvoir des hommes à moustache, la diversité des goûts à partir des parfums de glaces…

Calle Amsterdam, viendra trouver asile Ana, une jeune Juive allemande dont le grand-père a dû fuir Berlin après la confiscation de son atelier de parfumerie. Un républicain espagnol réfugié ouvrira le salon de coiffure Guernica pour lequel Galo deviendra apprenti, récupérant en secret les cheveux des clients pour les conserver, triés et enveloppés dans du papier journal. Le "trésor" de Galo, gardien de la calle Amsterdam.

Même le Che, en route pour Cuba, y fera halte. Les derniers locataires en 1976 seront un couple de danseurs de tango uruguayens. C’est Galo qui imposera le nom de leur école, l’Académie Gardel. A la mémoire du chanteur que son père, plus de quarante ans auparavant, écoutait à la radio tous les matins. Aux paroles de Volver, son tango fétiche, taillées pour cet éternel petit garçon qui a la grâce de l’innocence : "Même si l’oubli qui détruit tout/a tué ma vieille illusion/humble je garde une espérance cachée/pour toute fortune de mon cœur."

Véronique Rossignol

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