Astrid et Thomas composent une image d’Epinal. Leur amour débute dans une librairie et se prolonge dans un quotidien harmonieux, réglé comme du papier à musique. Une rythmique rassurante où tout semble à sa juste place. La vie familiale est si bien ficelée que la fissure paraît improbable. Pourtant l’inattendu s’invite au lendemain de vacances en Espagne…
Thomas s’en va sur la pointe des pieds. "La ville endormie avait quelque chose de fantomatique." Il abandonne le domicile sans raison apparente, si ce n’est le désir de mener une existence errante. Commence une plongée dans l’inconnu, hors des sentiers battus. Il dort à la belle étoile, se perd dans la beauté des paysages et s’isole peu à peu du monde des humains. "Tous les hommes sur terre étaient devenus des pierres." Une union avec la nature qui lui procure une impression d’aventure. Il avance en silence, comme "anesthésié", sans penser à ceux qu’il a laissés derrière lui.
Astrid ne saisit pas la logique de cette disparition insensée. Comment l’expliquer aux enfants ? Extérieurement, elle se maintient debout, mais à l’intérieur c’est une femme hébétée face à l’adversité. "Elle, qui avait toujours été la voix de la raison, se dissolvait dans l’apesanteur."
L’auteur suisse Peter Stamm a multiplié les expériences professionnelles, dont une immersion en psychiatrie. C’est avec une sobriété inouïe, steinbeckienne, qu’il sonde deux perditions parallèles qui interrogent sur l’impact des années et de l’absence sur le couple. K. E.