Une femme arrive seule au début de l’été dans une maison de ville en bord de mer. Elle est accablée de chagrin, oppressée. En deuil. Au départ, les raisons de sa présence, le statut du lieu sont flous. Peu à peu, on comprend que cette Grande Villa mise en scène par Laurence Vilaine est un lieu de travail qu’elle connaît. Qu’elle est là pour écrire. "Quand d’habitude je préfère les feuilles sans marges ni carreaux, hier leur blancheur m’a donné le sentiment que j’allais m’y noyer - j’ai acheté un cahier avec des lignes." Elle veut pouvoir écrire sans se retourner. Comme elle nage dans la piscine, enchaînant les longueurs, accrochée aux lignes des carreaux du bassin pour ne pas couler. Car sinon, elle "nage en désordre". Dans l’eau, les mots viennent - elle parle au disparu, son père. Regarde ses pensées "nager devant" -, hors de l’eau ils se dérobent, s’égarent. Le silence bienveillant de la maison, troublé seulement par le téléphone que la narratrice finit par débrancher et ranger dans un tiroir, la solitude disciplinée par la nage et l’écriture, les échappées à la plage, agissent comme une cure et réaniment les souvenirs et les mots perdus.
Laurence Vilaine, découverte avec Le silence ne sera qu’un souvenir (Gaïa, 2011, repris chez Babel), un premier roman salué, a effectué plusieurs séjours dans la Grande Villa qui accueille à Marseille des écrivains en résidence, une première fois en décembre 2014 pendant la maladie de son père, puis après sa mort quelques mois plus tard. Lettre à l’absent, carnet de reconquête de l’écriture, ce deuxième texte bref et intime est aussi un livre d’or reconnaissant à cette maison de passage devenue familière, à sa lumière, à son odeur, à sa présence presque humaine, consolatrice. "La Grande Villa prend soin de moi."V. R.