De l’Amérique, elle fut un temps le plus charmant et insolent visage. Une fille des rues, mère folle, père alcoolique, réinventée sous les sunlights de l’usine à rêves, dont elle était peu ou prou la contemporaine, en reine des "flappers", saluée comme telle par Scott Fitzgerald et qui léguera à la postérité, lorsque seront éteintes sa gloire et les années 1920 sur lesquelles elle régna, un surnom, le sien : la "it girl". Qui se souvient de Clara Bow, de son affolant sex appeal et de son sourire qui ne l’était pas moins ? Qui se souvient que pour le seul moi de mai 1928, alors que tout homme, tout garçon, en Amérique et au-delà n’avait d’yeux que pour elle, elle reçut plus de trente-quatre mille lettres d’admirateurs ?
Ce qui tombe bien puisque si à une actrice un biographe parfois peut suffire, à une idole, fût-elle déchue (surtout déchue), il faut un écrivain. Et Sophie Pujas en est une, comme le savent les lecteurs de Z. M. ou de Maraudes (Gallimard, 2013 et 2015). Avec Le sourire de Gary Cooper, elle compose moins un requiem qu’une fugue pour une étoile filante, une fille en allée.
Elle dresse, en des pages inspirées, un portrait de Clara Bow en icône paradoxale et inconsciente d’elle-même, du féminisme, brûlée vive au feu de sa liberté. "Pourquoi parler de Clara ? Pourquoi recueillir au creux de mes lignes cette enfant butée et impudente ? Traquer cette silhouette plutôt que d’autres, plus mystérieuses, plus chanceuses dans leurs choix et plus douées peut-être ? Parce que avec ses faibles moyens - l’insolence, la beauté, et sans y songer, Clara s’est battue pour que ma vie soit douce." Ce combat, ce sacrifice, trouve enfin sa juste récompense : la littérature. Olivier Mony