Comment est né Fantask ?
Responsable depuis leur création des éditions Huginn & Muninn, j’ai réalisé qu’il m’était difficile de traiter bien de sujets de pop culture avec des livres. Beaucoup de gens n’ont ni le temps, ni l’envie, ni l’argent de lire des exégèses de 400 pages sur Twin peaks ou des biographies intellectuelles de J.R.R. Tolkien ou Philip K. Dick. A contrario, ils ne se satisfont pas des courts articles qu’ils peuvent, rarement, trouver à ce sujet dans la presse traditionnelle. D’où l’intérêt d’une revue qui propose des textes longs, des interviews fleuves, des analyses érudites par les meilleurs spécialistes.
Fantask est un titre qui déjà existé par le passé...
Fantask est en effet né une première fois en 1969 sous la forme d’un magazine de bande dessinée dédié à tous ces personnages de comics qui faisaient alors sensation de l’autre côté de l’Atlantique : c’est Fantask qui va pour la première publier les 4 fantastiques, le Surfer d’argent et Spiderman. Mais cette aventure est de courte durée : 7 mois et autant de numéros plus tard, sa publication est suspendue car son contenu se voit censuré par la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence.
Pourquoi alors reprendre le flambeau de Fantask ?
Parce que, ironie de l’histoire, tout ce que critiquait cette Commission et qui a aboutit à la censure de Fantask est à présent devenu l’alpha et l’Omega de la production culturelle dominante. Marvel et DC comics continuent leur bataille avec des blockbusters hollywoodiens et des séries "bingés" de Mexico à Kaboul. La planète chante en cœur "libérée, délivrée" et Baby Yoda est en passe de devenir la personnalité de l’année. Mais que sait-on de ceux qui ont créé et imaginé ces univers ? Y-a-t-il encore des choses à dire sur des épopées comme Le Seigneur des Anneaux ? Les super-héros sont-ils autre chose que des machines à vendre du pop-corn et des produits dérivés ? Et que nous raconte ces sagas, et nos addictions, sur notre époque et sur nous-mêmes ? Et si tout le monde croit connaître Superman, Stan Lee ou Stephen King, il faut aussi penser à tous les oubliés, qui n’ont pas accédé à la postérité mondiale. Tous ces auteurs de best-sellers, ces héros et méchants, ces mascottes de BD, ces illustrateurs de génie tombés dans l’oubli. Ne méritent-t-ils pas d’être redécouverts ? Et d’ailleurs, pourquoi ont-ils disparus ? C’est pour répondre à toutes ces questions que nous avons décidé de ressusciter Fantask, non plus sous la forme d’un magazine de comics, mais sous celle d’une revue illustrée de 248 pages.
La première thématique de Fantask est la tentation du mal. Comment expliquez-vous ce choix?
Le principe de Fantask c’est que tous les numéros, de la première à la dernière page, sont consacrés à un seul et même sujet. Pour ce lancement, il nous fallait un sujet fort, qui interroge et qui peut faire polémique, et « le Mal » et surtout notre fascination pour celui-ci, s’est vite imposé. Comment Lucifer, dont la seule évocation du nom suffisait à faire trembler des colonies de Pilgrim Father est devenu une vedette Hollywodienne, sexy en diable ? Pourquoi les nazis, incarnation parfaite du mal sur terre, restent encore les méchants ideaux et apparaissent toujours dans d’innombrables, films, séries, bandes dessinées, romans, etc. Pourquoi les serial killers, les vrais (Charles Manson, Ted Bundy, Michel Fourniret…) comme ceux de fiction (Hannibal Lecter, Patrick Bateman ou Dexter…), restent-ils si populaires, à tel point qu’on se bat à Hollywood pour les interpréter pour le grand et le petit écran...?
Que peut-on retrouver dans le premier numéro de Fantask ?
Nous sommes très fiers d’avoir réunis pour cela de nombreux noms connus et réputés comme Denis Pellerin, Christophe Bier, Jean-Emmanuel Deluxe. Le cinéma est mis à l’honneur avec une interview-réunion de Jodie Foster et d’Anthony Hopkins qui célèbrent les 30 ans du Silence des agneaux, mais aussi avec Tahar Rahim, qui revient entre autres dans le rôle d’un serial killer. La littérature n’est pas en reste avec la présence de Maxime Chattam, de Jeff Lindsay le père de Dexter, de Nicolas d’Estienne d’Orves ou d’Alexandre Kauffmann. Sont aussi présents le théologien Jean-François Colosimo, le philosophe Pacôme Thiellement, le sémiologue Français Jost, le sociologue Vincenzo Susca, et tant d’autres. La pop culture est aussi une histoire d’image, aussi notre revue fait la part belle à l’illustration et à la bande dessinée, avec des extraits du roman graphique L’Entaille d’Antoine Maillard, une histoire complète des Contes de la crypte, ou encore un portfolio sur l’artiste peintre Joe Coleman.