16 septembre > Essai Italie

Un livre pascalien qui cite beaucoup Nietzsche. Dit ainsi, cela peut dissuader. Mais on passerait à côté d’un ouvrage subtil, le genre de petit traité que l’on ne voudrait pas trop divulguer pour le garder pour soi. D’abord parce qu’il prend son temps pour cerner un sujet pourtant vaste. Même s’il est relativement court, le texte est dense, tout comme les abondantes citations. On n’y avance donc que patiemment. L’auteur, professeur de philosophie politique à l’université de Pérouse, en Italie, veut faire comprendre à ses lecteurs que le cheminement de la pensée ne se confond pas avec l’affirmation de ce que l’on pense. En cela, il s’inscrit dans la lignée d’un Michel Foucault auquel il a consacré plusieurs études dans son pays. Et la thèse dans tout cela ? Résumons-la plutôt par une question universelle : qu’est-ce qui donne sens à notre vie ? Ou, pour le dire autrement, pourquoi avons-nous peur du noir ? Pour y répondre, Sorrentino interroge Merleau-Ponty, Arendt, Freud mais aussi Baudelaire, Dostoïevski ou Pessoa, montrant que la littérature reste essentielle pour faire l’expérience du monde. Il en conclut - sans vraiment le prétendre d’ailleurs - que, face au déferlement des inquiétudes sur la mort et surtout sur l’après, que l’on soit croyant ou non, il faut se laisser aller à l’abandon de la vie. "Pour percevoir le sens de la vie, il faut se débarrasser de la pensée, parvenir à ne plus penser, à s’abandonner." Mais la volonté ne commande pas cet abandon-là. Il ne nous reste donc qu’à nous émerveiller de la vie et ses instants, c’est-à-dire "savoir cohabiter avec le noir, tout en restant fidèle au monde visible".

Auteur d’un essai non traduit sur La puissance invisible dans lequel il analyse - vaste programme ! - la place du secret et du mensonge dans la politique contemporaine, Vincenzo Sorrentino montre sa singularité dans sa manière d’aborder les questions quotidiennes, donc fondamentales. Et il le fait dans une langue limpide fort bien rendue par la traduction. "Notre vie s’allume et se consume dans un fragment de lumière suspendu dans le noir." Serré, resserré même, ce livre est tendu sur lui-même comme un ressort. Pourtant, on y sent la fragilité et on le lit avec lenteur. Cela fait du bien. L. L.

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