12 octobre > Essai France > Antoine Compagnon

"Elle n’est pas revenue, et ne reviendra jamais, l’Adorable qui s’était rendue chez moi" (Rimbaud). "Jamais il n’avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait" (Flaubert). "Je commençais à me rendre compte qu’elle partageait l’anxiété que j’avais en la voyant, anxiété d’autant plus forte ce jour-là que j’espérais que sous son tablier, elle était entièrement nue" (Bataille).

Où vont les serments d’amour lorsqu’ils ne s’échangent plus ? Nulle part, dans les eaux usées du souvenir. Ou parfois, pour peu que la littérature y ait sa part, à la Bibliothèque nationale de France. Aimer l’amour, l’écrire, le merveilleux album que coéditent aujourd’hui la BNF et L’Iconoclaste, c’est d’abord cela : un recueil de correspondance qui ne nous est pas vraiment destiné. L’amour, donc, y est le beau souci. L’amour d’Hugo, de Beauvoir, de Valéry aussi bien que celui de Barthes, d’Aragon, de Proust ou de Genet. L’amour des femmes et des garçons, l’amour de l’amour aussi, l’amour fou et l’amour flou. Tous les plus beaux manuscrits d’amour, des deux siècles passés, pieusement conservés à la BNF et moins commentés qu’éclairés par l’érudition allègre et pénétrante d’Antoine Compagnon, qui a présidé à la conception de ce beau livre richement illustré, qu’il préface et dont il commente, entre piété et complicité, chaque texte. Ce qui vit là, sous ce grand chapiteau des sentiments en allés, ce ne sont pas quelques vieilles pages empoussiérées de gloire, c’est le cœur battant de la littérature. O. M.

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