Télévision

Le "28 minutes" d'Arte, un refuge pour plus d'un million de téléspectateurs

Mohamed Mbougar Sarr, invité de "28 minutes", présenté par Elisabeth Quin, sur Arte le 28 décembre 2021

Le "28 minutes" d'Arte, un refuge pour plus d'un million de téléspectateurs

Dix ans d'antenne pour une émission qui joue la contre-programmation sur Arte à 20h05. Prix Goncourt et prix Nobel se sont rués sur le plateau d'Elisabeth Quin, qui évoque ce qui la distingue de la concurrence et sa passion pour les livres.

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Par Vincy Thomas
Créé le 27.01.2022 à 23h30 ,
Mis à jour le 28.01.2022 à 14h55

L'émission "28 minutes" célèbre ses 10 ans. Lancée sur Arte le 9 janvier 2012, l'émission est passée en une décennie de 328 000 spectateurs à 1 089 000 spectateurs le 13 janvier dernier. Un record. Sans oublier les 88 millions de visionnages sur la chaîne YouTube et les 750 000 abonnés sur Facebook, Twitter ou Instagram. Le 28 janvier, l'émission proposera une émission anniversaire.

A 20h05, Elisabeth Quin présente ce talk-show de débat du lundi au vendredi, relayée par Renaud Dély le samedi. Trois quarts d'heures avec des chroniques, un grand témoin, trois invités, pour échanger sans clash ni polémique (ou alors involontaire). "Ce qui était un pari un peu dingue aux débuts est devenu une émission marqueur de Arte" explique la présentatrice à Livres Hebdo, grandement satisfaite du succès de "28 minutes", quelle qualifie de "refuge", loin des clashs et de l'anéantissement des invités. "Le débat ce n'est pas du pugilat" rappelle-t-elle, qui reproche à certains programmes de confondre "l'opinion avec les faits vérifiés".

Face à une concurrence "féroce" (les journaux télévisés, "Quotidien", "C à vous", "TPMP"), "le bilan qu'on tire sur une tranche hautement risquée et très exposée, est la stabilité de l'émission, qui est devenue une référence, en toute humilité, en matière de contre-programmation." Selon elle, "les invités ont le temps de s'exprimer, de se donner à découvrir et de débattre." Et il y a la dimension européenne d'Arte, soit une partie l'ADN de l'émission, qui n'hésite pas à évoquer le coup d'Etat au Burkina-Faso : "La France n'est pas seule au monde. On consacre beaucoup de temps à l'international, ce que ne font pas les autres" précise Elisabeth Quin.

Nobels et Goncourts

Des invités prestigieux, il y en a eu en dix ans, français ou étrangers : Orhan Pamuk, Jean-Marie Le Clézio, Mario Vargas Llosa, Hervé Le Tellier, Eric Vuillard, Pierre Lemaitre, Mohamed Mbougar Sarr, Salman Rushdie, Coco, Philippe Descola, Françoise Héritier, Michel Serres, Gaël Faye, Umberto Eco, Fred Vargas, Alain Damasio, Paul Auster, Virginie Despentes, Brett Easton Ellis, Amélie Nothomb, James Ellroy, Michel Pastoureau, Asli Erdogan, etc. Seuls "immenses" regrets pour Elisabeth Quin : "la relation amoureuse" de Milan Kundera, "qui est devenu invisible", et "les silences" de Patrick Modiano, "qui déteste la télévision".

Le livre est très présent dans la programmation. Comme le jeudi 27 janvier, où l'émission a traité de la prise en charge des personnes âgées en France, à l'occasion de la sortie de l'enquête Les fossoyeurs de Victor Castanet (Fayard). "On reçoit Nicolas Mathieu mercredi prochain pour son nouveau roman, Connemara (Actes Sud), parce que c'est aussi un roman incroyablement politique, à la fois sur les transfuges de classes, à la fois sur les désillusions socio-culturelles de la France périphérique, et puis aussi sur la langue managériale des cabinets de conseils, qui contamine tout le langage, sauf le sien." Une littérature qui interroge, en prise avec la société : voilà ce qui intéresse "28 minutes" pour treize minutes d'entretien. "D'une certaine manière, on amène nos invités à parler d'actualité ou de quelque chose qui leur tient à cœur, et, éventuellement, d'un sujet dont ils n'auraient pas pensé parler" approfondit Elisabeth Quin, qui "ne travaille pas sur fiches".

Pas très up to date sur la rentrée - elle relie Jean Giono et La plaisanterie de Milan Kundera - elle confie avoir aimé Monument national de Julia Deck (Minuit) et le "formidable" roman de Nicolas Mathieu. Elle ajoute un regret, d'autant qu'il colle parfaitement à la ligne éditoriale de l'émission: "Je suis à la fois fataliste et parfaitement agacée que Michel Houellebecq ne soit jamais venu dans l'émission, alors que son dernier bouquin, Anéantir (Flammarion) m'a plu, même s'il ne tient pas ses promesses. Et il le fait avec une telle liberté et une telle insolence que c'en est absolument captivant." 

La présentratrice insiste d'ailleurs sur le fait que l'émission est prescriptrice: "On avait reçu un vendredi, Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard enchaîné, pour Le grand procès des animaux (éd. Faubourg), pour six minutes, et on a appris qu'il y avait eu ensuite des réimpressions." "Les éditeurs ne nous enverraient pas leurs auteurs s'il n'y avait pas de bons retours" clarifie-t-elle.

 

 

 

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