C’est un grand écrivain italien, un poète de la nature et des sentiers, un ami de Primo Levi, qui a su parler avec justesse des guerres et de la fureur des hommes. Ces entretiens et portraits publiés dans la presse italienne invitent à mieux connaître Mario Rigoni Stern (1921-2008), l’auteur du Sergent dans la neige (10/18, 1995). Il y raconte la retraite de Russie où 80 000 soldats italiens périrent.
Mario Rigoni Stern explique combien il lui fut difficile de retrouver la vie après le fracas, dans ses Alpes de Vénétie, son Altipiano où il a construit sa maison avec ses fils. Ce Courage de dire non, de refuser la guerre, de désobéir aux ordres, s’exprime avec force dans ces textes empreints d’une sagesse toute montagnarde.
Dans son bureau lambrissé de bois où cohabitent carabines, livres et atlas, Mario RIgoni Stern reçoit comme un ours dans sa tanière. Il parle de la chasse comme d’une cueillette respectueuse, de la forêt comme d’une cathédrale et de la littérature comme d’une forêt. "Il existe des arbres grands et très beaux qui dépassent les autres : ils se nomment Homère, Thucydide, Virgile, Dante, Boccace, Cervantès, Shakespeare, Leopardi."
Il se dit plus conteur que romancier, plus attiré par le travail manuel que le travail intellectuel. Il aime sentir le silence et le remplir avec ce qui lui plaît. "Avec cent grands livres, tu peux lire jusqu’à 90 ans." Un visiteur confie: "J’ai l’impression que le XXe siècle m’accueille, tout comme il accueille Mario Rigoni Stern, assis sur un tabouret, pour un dernier tour dans son vieux manège décrépit, avant d’aller se cacher pour toujours derrière les montagnes." Ce Thoreau transalpin désobéit avec une magistrale élégance. Et ce volume explique autant ses livres qu’il donne envie d’y replonger. L. L.