Le groupe Mondadori a confirmé mercredi 18 février aux autorités boursières italiennes avoir fait une offre non contraignante de rachat de RCS Libri, l'activité livres de RCS Mediagroup. L'annonce de cette offre a provoqué de vives réactions auprès des éditeurs italiens. Le groupe Mondadori est en effet la propriété de Silvio Berlusconi qui, en rachetant son principal concurrent dans le secteur de l'édition, pourrait donner naissance à un "moloch du livre" en Italie.
RCS Libri, l'activité livres de RCS Mediagroup, est connu surtout en tant qu'éditeur des grands quotidiens Il Corriere della Sera, La Gazzetta dello Sport et en Espagne El Mundo. RCS Libri rassemble aussi une douzaine de maisons d'édition comme Rizzoli Bompiani, éditeur en Italie des auteurs vedettes Umberto Eco et Michel Houellebecq, Fabbri Editori, Marsilio, Altri Marchi, Adelphi, Sonzogno, Vintage, etc. RCS Libri avait vendu Flammarion en 2012 à Gallimard. La société réalise 29% de ses ventes en Espagne.
Arnoldo Mondadori Editore, qui est présidé par la fille de Silvio Berlusconi, Marina, et RCS Mediagroup sont respectivement premier et deuxième acteurs en littérature générale en Italie avec 27% et 11,7% de parts de marché. Leur union créérait donc un colosse doté d'une force de frappe sans égal en Europe: près de 40% du marché de l'édition national, dont près de 70% pour le livre de poche, selon les spécialistes.
Poids équivalent à Simon & Schuster
Au niveau mondial, selon le dernier classement de Livres Hebdo, Mondadori est le 3e groupe italien (334 millions d'euros de C.A.) et RCS Libri, le 4e (252 millions d'euros de C.A.). Le nouvel ensemble, s'il se constituait, entrerait dans le Top 30 mondial, avec un chiffre d'affaires équivalent à celui de l'américain Simon & Schuster, et deviendrait le 2e groupe italien, derrière De Agostoni Editore, spécialisé dans les fascicules, les cartes géographiques et les ouvrages scolaires.
L'offre de Mondadori, qui porte sur 99,99% du capital de RCS Libri, va être "évaluée", a sobrement répliqué RCS Mediagroup. Un conseil d'administration est prévu le 11 mars, mais il pourrait être anticipé en cas d'offre contraignante, annonce jeudi le Corriere della Sera. L'offre valoriserait la société à un chiffre compris entre 120 et 150 millions d'euros, indique le journal.
La nouvelle a été saluée à la Bourse de Milan où le titre RCS Mediagroup a atteint en matinée son plus haut niveau depuis juillet (+3%). Les investisseurs calculent qu'une telle cession pourrait épargner une nouvelle augmentation de capital à la maison-mère, actuellement lourdement endettée.
Réactions peu enthousiastes
Mais dans le monde des médias et de l'édition, les réactions ont été nettement moins enthousiastes: "Le nouveau Mondazzoli, ou Dieu sait comment il sera rebaptisé, sera un monarque absolu, à même de dicter sa loi à tous les niveaux dans la filière du livre", a mis en garde le quotidien de gauche La Repubblica (groupe L'espresso). En outre, "Mondadori-RCS se distinguerait aussi du reste de l'Europe par un autre facteur qui n'a rien d'anodin: son patron serait Silvio Berlusconi, ancien Premier ministre qui continue à influencer la scène politique nationale", souligne-t-il.
"Une fusion entre Mondadori et RCS est quelque chose d'insensé, même les pierres s'en rendent compte. Ou je me trompe ?", tweete pour sa part la maison d'édition romaine Koinè Nuove Edizioni. D'autres internautes disent envisager de "cesser de lire" ou de "boycotter" le futur géant ou en appellent aux pouvoirs publics ou aux autorités de la concurrence pour empêcher ce mariage.
Stefano Mauri, P-DG du groupe Gems (Gruppo editoriale Mauri Spagnol), se veut un peu plus mesuré, relevant notamment qu'à ce stade "une partie des actionnaires de RCS semble nettement opposée à cette abdication".