Phénomène

Quand le quotidien britannique The Guardian a dressé la liste des livres qui avaient le mieux défini le XXe siècle, il a choisi Gatsby le magnifique, L’attrape-cœur, Les raisins de la colère et… Le journal de Bridget Jones. Le roman d’Helen Fielding est un phénomène éditorial, vendu en France à deux millions d’exemplaires en grand format chez Albin Michel et en poche chez J’ai lu. Son manuscrit avait été envoyé à plusieurs éditeurs par l’agent Aitken & Stone. Anne Michel, qui dirige le département étranger d’Albin Michel, raconte qu’un commando féminin de la maison de la rue Huyghens, composé de Marianne Bertrand, alors adjointe de Tony Cartano à l’éditorial, de Sylvie Hoare à la promotion et de Régine Billot à la presse, s’est emballé pour le texte d’une Anglaise inconnue et a poussé la direction à le faire paraître - avec le succès que l’on sait - en 1998. Anne Michel le résume bien : Helen Fielding a inventé à la fois un genre romanesque où se sont ensuite illustrées Candace Bushnell ou Lauren Weisberger, mais aussi un "personnage iconique" avec la piquante Bridget Jones, retrouvée dans Bridget Jones. L’âge de raison (Albin Michel, 2000, repris chez J’ai lu) puis au cinéma sous les traits de Renée Zellweger. Une "célibattante" avec ses faiblesses, ses failles et son humour désopilant.

Après quatorze ans de silence, la revoilà dans Bridget Jones. Folle de lui. Un opus drôle et émouvant qui prouve qu’Helen Fielding a réussi à se renouveler. Quand le roman démarre, en avril 2013, Bridget Jones a 50 ans et des poussières. Son mari, Mark Darcy, avocat défenseur des droits de l’homme, a été tué au Sud-Soudan, la laissant seule avec leurs deux enfants, Billy et Mabel. Mrs Darcy habite le nord de Londres, planche sur le scénario d’une adaptation moderne d’Hedda Gabler. Une pièce qu’elle croit être de Tchekhov et qu’un producteur envisage de transformer en comédie romantique ! Bridget se débat avec les poux de ses enfants. Elle essaye de se familiariser avec les réseaux sociaux, de pratiquer le vélo d’appartement, de ne pas manger de fromage râpé à même le paquet. Inconsolable de la disparition de Mark, elle fréquente désormais un "toy boy". Roxby McDuff, dit "Roxster", travaille pour une association caritative écologique. Il a 29 ans, un torse musclé, des dents blanches. Sans compter qu’il "kiffe" le hachis parmentier, danse comme John Travolta en pointant du doigt et trouve que les femmes plus âgées savent "un peu mieux ce qu’elles font", qu’elles ont "un peu plus de répondant".

Modeste

Publié chez Jonathan Cape en Angleterre et chez Alfred Knopf aux Etats-Unis, Bridget Jones. Folle de lui s’était déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires au Royaume-Uni, dont 350 000 en édition numérique, avant sa parution en poche en juin. Elégante et souriante quand on la retrouve dans la cour de L’Hôtel de la rue des Beaux-Arts, à Paris, Helen Fielding explique avec humour que l’usage du Kindle est idéal pour les hommes qui ne veulent pas être vus en train de la lire. A l’entendre, son public masculin a d’ailleurs pas mal changé avec les années et n’est plus majoritairement homosexuel. Modeste, elle prétend n’avoir rien inventé, qu’il manquait une voix pour parler des femmes et qu’elle a été la première à s’attaquer à quelque chose "dans l’air du temps".

Dès le début, elle a voulu utiliser les armes de la comédie pour parler de choses plus douloureuses. Quand elle a attaqué son nouveau roman, elle ne savait pas encore qu’il serait un Bridget Jones. Peu à peu, elle s’est rendu compte que c’était la voix qu’elle entendait. Là, elle s’est dit "Oh fuck", consciente de l’attente du public. Perfectionniste, elle revoit sa copie jusqu’au dernier moment, obligeant son éditeur à lui arracher le texte des mains. La romancière ne repart pas prendre l’Eurostar les mains vides. Elle a l’intention d’y lire Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler afin de comprendre pourquoi il a fait couler autant d’encre.

Helen Fielding, Bridget Jones. Folle de lui, traduit de l’anglais par Françoise du Sorbier, Albin Michel, 441 pages, 21,50 euros, tirage : 120 000 exemplaires. ISBN : 978-2-226-25987-5. A paraître le 1er octobre.

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