Des expériences montrent qu’après un certain nombre d’heures d’isolation totale dans le noir, la personne enfermée imagine des créatures, un autre, fût-il monstrueux. L’homme est un animal social. Même les plus grands ermites : saint Antoine dans le désert est visité par de fantastiques visions, saint Jérôme se trouve un lion pour compagnon. Le protagoniste du premier roman traduit de Claudio Morandini, Le chien, la neige, un pied, est seul et dans le blanc, le blanc de la neige des hauteurs où il vit en reclus depuis des années. Etre seul dans la montagne, ce n’est pas exactement être seul. La nature est là, qui vibre et murmure sans cesse, gronde parfois.
"Les premiers signes avant-coureurs de l’automne poussent Adelmo Farandola à descendre au village pour faire des provisions." Ce jour-là au village, Adelmo, sac bien arrimé au dos, prêt à le remplir de pommes, vin, beurre et viande faisandée, se voit accueilli à l’épicerie d’une drôle de façon. La patronne des lieux et même le vieux client qui vient d’entrer se moquent de lui, lui disent qu’il a vidé, mardi ou mercredi dernier, le magasin. C’est une blague ? L’anachorète, dépité, dément : il n’est pas descendu depuis avril dernier.
De retour chez lui, un chien errant, bâtard aux yeux vairons et plein de tiques, va à sa rencontre et s’attache bientôt au taiseux solitaire. Entre eux se noue un dialogue. Le chien répond quand on lui parle. Dans ce roman à la poésie vibratile, admirablement bien traduit, le lauréat du prix Elsa-Morante 2016 nous entraîne dans le paysage et la psychologie de son personnage dont le regard parfois halluciné remplace la pensée. Le mystère s’épaissit lorsque, à la fonte des neiges, apparaît un pied non loin de la cabane. S. J. R.