16 novembre > Récit France > Marcel Cohen

Sur la scène intérieure, son beau récit paru en 2013 dans la collection "L’un et l’autre" (disponible chez Folio), dans lequel Marcel Cohen, né en 1937, évoquait sa famille disparue à Auschwitz quand il avait 5 ans, avait été couronné en 2013 par le prix Wepler-Fondation La Poste. Quelques mois après la parution d’Autoportrait en lecteur (Eric Pesty éditeur), Détails, qui réunit certains textes déjà publiés dans des revues ou en éditions à un tirage restreint, s’inscrit dans le prolongement de la trilogie des Faits entamée en 2002. Il reprend la forme de la narration non linéaire et des notes en fin de volume qui référencent les citations et les sources, au statut très divers (articles de presse, livres, "anecdotes recueillies par l’auteur"), comme pour un essai. Collectés par "l’homme", les faits sont ici des observations, des rêveries, des questions méditatives (pourquoi les hommes ne parlent pas le langage des animaux, combien il doit être difficile d’attacher un soutien-gorge) inspirées par des souvenirs intempestifs, surgis dans le métro au milieu de la lecture d’un journal, des pensées qui en appellent d’autres au cours de déambulations solitaires dans les rues : la vue d’une reproduction dans la vitrine d’une parfumerie de Nu à contre-jour de Bonnard fait ainsi apparaître Milena, Charlotte Delbo et Marie Antoinette… Les Détails, ce sont aussi des petites expériences (abandonner Le bavard de Louis-René des Forêts sur un banc et guetter), des habitudes (ne pas suivre les conseils de lecture de ses amis) devenues parfois, avec le temps, des manies, des associations d’idées (une tête de veau dans une boucherie et L’ange oublieux de Klee), des obsessions, comme celle pour le joint décollé de la fenêtre d’une chambre d’hôpital, revêtant un "enjeu stratégique considérable", dans un chapitre remarquable sur l’impuissance du malade. "En fin de compte, l’homme se demandait si son intérêt pour d’aussi minces détails ne relevait pas d’une incapacité à aller à l’essentiel." Mais l’essentiel est pourtant bien là : le tragique et l’absurde, au cœur de l’insignifiant, de l’infinitésimal, de l’anecdotique, dans l’étonnement permanent face à ce presque rien qui dit le tout. Véronique Rossignol

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