Washi, dit "papier japonais", artisanalement fabriqué au Japon et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, est composé des caractères "paix, harmonie" (wa) et "papier" (shi). Souple mais résistant, ce "papier de la paix et de l’harmonie" a de multiples usages. Le protagoniste de Monsieur Origami, premier roman de Jean-Marc Ceci, Maître Kurogiku, en a le secret. Il produit le washi, selon la recette pluriséculaire transmise par son père, à partir de la pâte de kôzo (le mûrier à papier) et un liant naturel indispensable - le tororo aoi. Maître Kurogiku utilise le washi pour l’origami, l’art du pliage, dont le plus célèbre exemple est la grue : qui en plie mille, dit-on, voit son vœu exaucé. Maître Kurogiku plie, déplie ce qu’il a plié, médite. Assis dans la posture zazen - colonne vertébrale droite, poussant la terre avec les genoux et le ciel avec le haut du crâne -, il est très concentré. Zen est le mot japonais pour chan, chinois pour le sanskrit dhyana, la concentration bouddhiste visant au détachement.
Quand Castro, jeune horloger italien qui, lui, réfléchit aux mécanismes compliqués du temps, cherche à se loger dans ce coin perdu de Toscane, on lui indique la maison de "Monsieur Origami", surnom du sage nippon qui est venu s’y installer quarante ans plus tôt. Maître Kurogiku vit quasi seul, il a pour seule compagnie Ima, son chat, et Elsa, "bonne Samaritaine" de la région qui avait croisé son chemin lorsqu’elle était adolescente. Castro se demande ce que veut bien signifier cette "feuille chiffonnée" devant la table du maître. Et ce dernier de répondre : "L’acte le plus important après avoir plié ses origamis est précisément ceci: leur dépliage."
Mais, outre les secrets du pli, on apprendra dans cette jolie leçon de choses japonaise (ce conte trouve une forme idoine dans une composition épurée et illustrée d’idéogrammes), que "toute beauté a sa part d’ombre". Pendant la guerre, le washi fit l’objet d’une utilisation très spéciale. Sean J. Rose