La librairie Tropismes, galerie des Princes à Bruxelles. - Photo ANNE-LAURE WALTER/LH
Les Belges enfin libérés de la tabelle au 1er janvier 2021
La tabelle, ce surcoût appliqué historiquement en Belgique par Dilibel et Interforum Benelux, prend fin au passage à la nouvelle année. Accueillie avec soulagement par la majorité du secteur, la mesure fait aussi craindre pour l’avenir des deux distributeurs et, par extension, pour les éditeurs belges dans leur portefeuille.
Par
Marine Durand Créé le
30.12.2020
à 14h00, Mis à jour le 05.02.2023 à 18h41
C’est "l’aboutissement d’un combat d’une trentaine d’années", que s’apprête à célébrer Yves Limauge, le co-président du Syndicat des libraires francophones de Belgique (SLFB). Au 1er janvier 2021, plus une seule nouveauté vendue dans les librairies du pays ne sera tabellisée. "C’en est fini des vilaines étiquettes qui faisaient que l’on payait un livre en Belgique plus cher qu’en France, ou que sur internet. Désormais, les Belges achèteront leurs livres au prix fixé par l’éditeur, comme tout le monde", se félicite le libraire, propriétaire de A Livre ouvert – Le rat conteur, à Woluwe-Saint-Lambert.
Les nouveautés seules concernées
Le milieu du livre de la Fédération Wallonie-Bruxelles a eu le temps de se préparer à cette nouvelle ère. La tabelle, surcoût de 12% à 15% appliqué depuis les années 1970 sur les livres distribués par Dilibel (Hachette) et Interforum Benelux (Interforum), initialement pour faire face aux variations de taux de change entre franc français et franc belge, a été réduite progressivement par le décret sur le Prix unique du livre, adopté en 2017. Elle a été ramenée à 8% en 2019, puis à 4% en 2020, pour disparaître définitivement en 2021.
Une victoire pour l’immense majorité des libraires francophones, qui ont accepté, de fait, une légère baisse de leur chiffre d’affaires, compensée par une autre mesure du décret, le plafonnement des remises pour le grand public à 5%, en librairie indépendante comme en grandes surfaces. "C’est un soulagement évident et une victoire pour l’interprofession, mais cette disparition ne concerne que les nouveautés, et tous les livres parus avant sont toujours tabellisés jusqu’à épuisement du titre", tempère Philippe Goffe, président du PILEn, qui réunit six associations professionnelles et porte depuis longtemps le projet de prix unique, notamment via le portail d’information Prixdulivre.be.
Une différence de TVA
Partiellement libérés de la tabelle, les libraires belges francophones affrontent cependant un dernier obstacle : le différentiel de TVA entre la France, où elle est à 5,5%, et la Belgique, à 6%. Concrètement, un livre vendu 10 euros en France devrait passer à 10,05 euros en Belgique. Or, si les libraires ont accepté de prendre ce différentiel de TVA à leur charge, Dilibel, contrairement à Interforum Benelux, refuse pour l’instant de s’aligner, expliquent Yves Limauge et Philippe Goffe.
"Cela va polluer toutes les bases de données", déplore Yves Limauge, regrettant un "combat d’arrière-garde idéologique" mené par la filiale du groupe Hachette, qui n’a pas répondu à nos sollicitations. Voilà qui ne devrait pas améliorer les relations entre le distributeur et le SLFB. En février dernier, Dilibel a annoncé la baisse de 1% des remises commerciales accordées aux libraires belges, pour compenser la fin de la tabelle. Une décision unilatérale aussitôt dénoncée par les professionnels.
Philippe Goffe, président du Pilen- Photo DR
Pour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
L’avenir incertain des distributeurs
Si Hachette mettait en avant sa volonté de "partager l’effort" pour ne pas renoncer à sa présence locale, l’avenir des deux plus gros distributeurs de Belgique, dont la qualité de service n’est pas remise en cause, se pose sérieusement. Avec la disparition de la tabelle, Dilibel et Interforum Benelux vont enregistrer des pertes de revenus qui se chiffrent en millions d’euros. "Il y a un grand risque de chaos pour toute la distribution en Belgique si jamais ces deux opérateurs venaient à se retirer", met en garde Benoît Dubois, le directeur de l’Association des éditeurs belges (Adeb). Le marché du livre de langue française en Belgique est en effet nourri à plus de 70% par la production française, et au sein de cette production, Dilibel et Interforum Benelux pèsent ensemble au moins 50% du marché.
Par ailleurs, outre les livres importés de France, les deux groupes ont intégré à leur portefeuille au fil des années un grand nombre d’éditeurs belges de taille moyenne. Interforum Benelux, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, en compte une centaine, qui se retrouveraient eux aussi impactés par un retrait de leur distributeur du sol belge. "Nous plaidons pour une discussion, afin qu’une solution puisse être trouvée", insiste Benoît Dubois, espérant un "coup de main des pouvoirs publics pour sauvegarder l’outil de distribution."
Les artistes rassemblés au festival international de science-fiction des Utopiales, du 31 octobre au 3 novembre à Nantes, ont pointé les faiblesses du genre, notamment quand il s’essaie à la dystopie. Comment réparer les « erreurs » de la SF, et quelles sont les voies possibles ? Recueil de voix inspirées.