A 17h30 vendredi, les allées du Salon du livre sont clairsemées. Certes, les publics scolaires ont quitté les lieux. Mais surtout, une foule impressionnante s’est massée autour du pavillon d’honneur dédié à Israël pour suivre les échanges entre entre David Grossman, Amos Oz et Avraham B. Yehoshua, les trois figures majeures de la littérature israélienne contemporaine.
La salle ne pouvant accueillir tout le public, de nombreux spectateurs ont suivi le débat sur un écran. Un public très attentif, dont une partie manifestement comprenait l’hébreu car ils réagissaient aux propos de David Grossman et Amos Oz avant qu’ils ne soient traduits. Avraham B. Yehoshua, lui, s’exprimait en français.
Les trois écrivains israéliens, qui font partie du groupe d’intellectuels qui a fondé le mouvement « La paix maintenant », ont confronté leur conception du rôle de l’écrivain dans ce pays particulier qu’est Israël, sans jamais se départir d’un humour espiègle et d’une solide complicité.
Pour Avraham B. Yehoshua, « la question des nationalités est le contexte moral dans lequel un homme est jugé, dans lequel il peut faire le mal ou le bien. C’est pour cela que je suis heureux d’être un juif total et de prendre les responsabilités de toutes les composantes de ma vie. »
'je suis un écrivain qui écrit en hébreu'
L’identité, selon Amos Oz, « est plutôt dans la langue. Avant d’être israélien, juif, habitant du Moyen-Orient, je suis un écrivain qui écrit en hébreu. Jamais je n’ai écrit de littérature pour faire passer un message politique. » Et l’écrivain de raconter qu’il utilise deux stylos différents pour écrire des articles politiques ou de la littérature.
« Il n’est pas nécessaire d’être écrivain pour écrire un article », remarque Avraham B. Yehoshua. « La question politique ne peut pas être totalement séparée de la littérature. Votre littérature à tous les deux n’est pas nettoyée de la politique ou de l’idéologie. »
David Grossman lui aussi se considère avant tout comme écrivain, avant toute considération de nationalité. « Ce qui fait qu’un homme est écrivain, c’est qu’il a vraiment envie de comprendre du fond, de l’intérieur, ce que c’est qu’être l’autre. J’ai la chance de vivre en Israël où tout ce qu’on vit est toujours teinté de la grande histoire, des problèmes politiques, de l’extrémisme, de l’existence même d’Israël. Pour quelqu’un de normal, c’est peut-être invivable. Pour un écrivain, c’est un vrai paradis ! »
Dans un contexte où les mots peuvent être explosifs, les écrivains se sont accordés sur le fait que leur rôle est de ne pas utiliser les clichés véhiculés par les gouvernements ou les médias, mais employer, d’après David Grossman, « la langue intime, de l’émotion. A ce moment-là, on touche le lecteur, on suscite l’écoute. »