Quelque 70 chercheurs, universitaires et représentants des pouvoirs publics ont participé, mardi 15 juin au Centre national des arts et métiers (Cnam), à Paris, à un colloque sur “les modèles économiques économique du livre et le numérique” inauguré par une synthèse par Françoise Benhamou de son analyse tout juste publiée sur les “Modèles économiques d'un marché naissant”.

“Il n'y a pas encore de marché mais tout le monde se préoccupe de cette nouveauté, voire en est obsédé, ce qui est parfaitement compréhensible dans la mesure où le numérique aura un rôle structurant pour l'ensemble de la filière, aussi bien éditeurs, libraires que bibliothécaires”, expliquait la spécialiste de l'économie de la culture, professeure et vice-présidente de Paris XIII, dans ce travail disponible sur le site du ministère de la Culture (http://www.culture.gouv.fr/nav/index-stat.html).

Programmée avec le bienveillant patronnage des chercheurs et universitaires de la chaire Innovation et régulation des services numériques (Polytechnique, ParisTech et France Télécom), dont est chargé Pierre-Jean Benghozi, et avec le groupement d'intérêt scientifique Culture-Médias & numérique que dirige Alain Giffard, le colloque a ensuite laissé la parole aux acteurs de ce marché encore embryonnaire.

Catherine Lucet, PDG de Nathan (groupe Editis), a exposé le cadre dans lequel doivent s'insérer les éditeurs scolaires, dont l'activité dépend esentiellement des financements budgétés par les pouvoirs publics, et pour lesquels le numérique apparaît comme un moyen possible de réduction de dépenses, et alors que les producteurs de contenu insistent sur l'amélioration de la pédagogie et de la transmission des connaissances.

Denis Zwirn, PDG de Numilog, la plateforme numérique d'Hachette Livre, s'est efforcé de présenter les fonctions propres à cette nouvelle chaîne, en les distinguant bien des acteurs qui peuvent exercer plusieurs d'entre elles, le numérique étant le lieu des chevauchements et interconnexions multiples. Et il n'a rien caché des incertitudes sur le futur du livre numérique.

"le prix unique défini par la loi Lang n'est pas une fin en soi"

Le futur de la presse dans cette économie dématérialisée est encore plus incertain, ce qui n'est pas forcément une consolation pour les éditeurs. Mais l'avenir viendra peut-être de ces quotidiens et magazines qui n'ont d'autre choix que de trouver de nouvelles solutions de diffusion : la presse suisse et la chaîne Orell Füssli préparent ainsi une tablette de grand format, bon marché car subventionnée par ces médias pour en accélerer la diffusion chez les lecteurs, a notemment expliqué Philippe Gendret, directeur en charge du développement numérique chez Edipresse, premier groupe romand de presse.

Philippe Colombet, chargé du développement de Google Livres pour les pays francophones, s'est bien gardé d'évoquer le lancement de Google Editions, la librairie numérique du moteur de recherche, à venir pour l'été, mais en a retracé le principe : le futur du livre numérique n'est pas dans la gestion complexe de fichiers téléhargés dans des formats exclusifs, mais dans un accès sécurisé, ouvert à tous les acteurs de la chaîne, et à tous les terminaux que peuvent utiliser les lecteurs - soit exactement l'organisation que prépare Google.

Enfin Thierry Tuot, membre de l'Autorité de la concurrence, qui a récemment rendu un avis très réservé sur la nécessité de réglementer le prix du livre numérique, a expliqué les motivations de cette distanciation : le prix unique défini par la loi Lang n'est pas une fin en soi, mais simplement un moyen susceptible de maintenir un tissu de librairies, pour favoriser la diversité de la création éditoriale et son accessibilité à tous a-t-il rappelé, en indiquant, exemples à l'appui, que ces objectifs n'étaient pas forcément atteints dans le cadre réglementaire actuel.

La conférence devait se poursuivre dans l'après-midi par l'examen des dispositifs de régulation du marché du livre, et de leur éventuelle réorientation.