Etienne Raczymow, qui a rejoint les FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans - Main-d’œuvre immigrée) après la rafle du Vél’d’Hiv, illustrait d’un mot yiddish le statut de ces juifs résistants communistes: mamzer. Autrement dit "bâtards", ceux dont la place, dont l’histoire même sont floués pour la communauté. Avec beaucoup de clarté, dans ce style limpide et précis qui la caractérise, et surtout en s’appuyant sur de précieux témoignages, la plupart des protagonistes ayant aujourd’hui disparu, Annette Wieviorka rapporte ces destins sublimes, ambigus et tragiques. Dans ce triptyque juif, communiste et résistant, l’identité s’avère hétéroclite. Elle a pourtant modelé des comportements valeureux comme ceux de Louis Gronowski, Henri Krasucki, Henri Krischer, Adam Rayski et tant d’autres. Le pacte germano-soviétique n’a pas facilité leur tâche. Mais après, ils ont manifesté par milliers la volonté de prendre place dans la lutte contre les nazis. Lyon devient leur capitale.
A la Libération, le PCF ne fait pas grand cas de ces patriotes immigrés. Il leur conseille de rejoindre leur pays d’origine pour participer à la reconstruction. Certains firent l’expérience, tous furent déçus. Il leur fallut donc retrouver une place dans la nation pour laquelle ils s’étaient battus, le plus souvent hors d’un PCF qui ne voulait plus d’eux.
Les livres d’histoire sont souvent des cimetières. Plus ou moins grands, plus ou moins impressionnants. Celui-ci ne donne pas cette impression. Publié en 1986, chez Denoël, Annette Wieviorka l’a revu, réécrit et complété. La force de ces témoignages et l’acuité de l’analyse n’ont rien perdu de leur nécessité. L. L.