21 mars > Jeunesse France > Marie Sellier

Tout se transforme chez Zoé. Pas seulement le corps, mais aussi le regard qu’elle porte sur sa famille. Dans la grande maison de sa grand-mère Bonny, plus rien n’a le même goût. Le jardin de cistes, de pins et d’eucalyptus qui surplombe la mer n’est plus le paradis qu’il a toujours été. Ses petits frères et sœurs l’ennuient, son cousin Noé autrefois adoré est méconnaissable et même Bonny, sa grand-mère chérie, se distingue à présent surtout par ses mains ridées et tachées. La jeune fille porte chevillée au corps la haine d’une mère violente et taciturne, toujours prompte à user du chantage affectif. Très vite, tous ses repères, intimes aussi bien que familiaux, prennent l’eau.

A la rentrée suivante, la haine de soi se porte sur son propre corps, et bientôt Zoé ne parvient plus à manger sans se faire vomir. Le salut viendra d’une amie de classe avec qui elle partira en vacances. L’occasion de se réconcilier avec elle-même et avec les autres. Ce roman sonde avec délicatesse le cap trouble et difficile de l’adolescence, surtout quand le puzzle familial se déglingue.

L’écriture de Marie Sellier est lumineuse, souvent drôle et lucide quand il s’agit d’éructer le réel comme le font les ados. Ainsi le derrière de Bonny qui jardine, entrevu entre les plantes, est décrit comme une "forme ronde et asymétrique […], une idole païenne dressée vers le ciel". De même, la cage d’os qu’est devenu le corps de Zoé, à deux doigts de l’anorexie, est une prison d’où elle "s’est enfuie par le haut […], l’essentiel d’elle-même est ailleurs, plane là-haut, tout là-haut, comme l’oiseau bâ des Egyptiens, la créature ailée, immatérielle, libre". Fabienne Jacob

09.03 2018

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