10 janvier > Essai Italie > Alessandro d’Avenia

Difficile de ne pas penser à John Keating, le professeur du Cercle des poètes disparus interprété par Robin Williams, quand on évoque le phénomène Alessandro D’Avenia. En Italie, cet enseignant adulé des adolescents est une star, mais son audience va bien au-delà. Un large public a été conquis par ce mélange de sagesse et de littérature. Pour preuve, L’art d’être fragile a atteint les 400 000 exemplaires. On comprend que les Puf misent gros avec cet essai qui s’inscrit dans la tendance de la bibliothérapie visant à prendre soin de nos vies.

"Peut-on apprendre le pénible métier de vivre jour après jour de façon à en faire un art même de la joie quotidienne ?" Evidemment, ce professeur de lettres au Collegio San Carlo à Milan répond oui. Sa démonstration passe par la lecture qu’il fait de Giacomo Leopardi (1798-1837). L’ouvrage est d’ailleurs composé comme une suite de lettres thématiques envoyées à ce poète qui s’est laissé guider par les flammes de sa passion au point d’en perdre quasiment la vue. C’est une manière pour ce quadragénaire - il est né à Palerme en 1977 - de rendre hommage à l’auteur du Zibaldone, mort à 39 ans.

"Enseigne-nous, Giacomo, cet art d’espérer." La demande paraît excessive. Leopardi n’est pas un professeur de bonheur. Il est seulement l’un des plus grands écrivains italiens, un classique dont Alessandro D’Avenia se sert auprès de ses élèves pour leur faire comprendre la vie, la mort, l’amour et tous ces principes bien embarrassants pour l’esprit. Il dit d’ailleurs finement que les adolescents n’ont pas tant de questions que cela à poser, ils sont des questions qui nous renvoient à notre propre vulnérabilité.

Mais la fragilité n’est pas une notion philosophique. Elle se situe plutôt vers la spiritualité, la sagesse. Elle exprime à la fois la délicatesse et la faiblesse. C’est cette précarité, en relation avec celle de l’existence et de la nature, qu’Alessandro D’Avenia met en évidence dans ces missives missionnaires.

Dans son essai De l’avantage d’être en vie (Gallimard, 2017), Mathieu Terence évoquait également Leopardi parmi les auteurs qui ont influencé sa jeunesse. D’Avenia, lui, fait moins référence à sa propre adolescence qu’à ceux qu’il côtoie en classe, ceux qui lui envoient des lettres après un cours parce qu’ils ont compris quelque chose de la beauté du monde grâce à Leopardi et à ses formules. "Je préfère être malheureux que petit, et souffrir plutôt que m’ennuyer."

Le pessimiste n’est pas mieux informé que l’optimiste. Il commence seulement sa lecture de l’histoire par la fin. D’Avenia veut voir en Leopardi un soigneur de mélancolie qui rend celle-ci supportable plutôt qu’un pessimiste. L’auteur de Blanche comme le lait, rouge comme le sang (Lattès, 2011) montre que l’école n’est pas forcément ennuyeuse et que des livres comme le sien peuvent en dire beaucoup sur un immense poète sans faire de la critique littéraire. Simplement en partageant quelques convictions. En octobre, il a publié chez Mondadori Ogni storia è una storia d’amore. Autrement dit, chaque histoire est une histoire d’amour. L. L.

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