La CJUE était saisie d’une question soulevée par le Conseil d’État à la suite d’un recours contre le programme de numérisation des livres indisponibles du XXe siècle (ReLIRE) déposé, en 2013, par Marc Soulier, auteur de science-fiction plus connu sous le nom d’Ayerdhal aujourd’hui décédé, et par la traductrice Sara Doka.
Mandatés par un collectif baptisé "Le droit du serf", ils estiment que ce projet porte atteinte à leurs droits. Ils soutiennent que "la réglementation française institue une exception ou une limitation non prévue aux droits exclusifs garantis aux auteurs par la directive" 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.
Consentement explicite
La réglementation française du 1er mars 2012 a modifié le Code de la propriété intellectuelle de façon à permettre la numérisation des livres introuvables mais toujours sous droits, sans demander l’autorisation préalable des auteurs. Ces derniers disposent d’un délai de six mois pour s’y opposer.
La CJUE estime que "le Conseil d’Etat n’a pas indiqué que cette réglementation comportait un mécanisme garantissant une information effective et individualisée des auteurs". De fait, ceux-ci peuvent ne pas avoir connaissance de l’utilisation envisagée de leurs œuvres et ils peuvent donc ne pas être en mesure de s’opposer à leur diffusion numérique. Pour la Cour, "une simple absence d'opposition de leur part ne peut pas être regardée comme l'expression de leur consentement implicite à l'utilisation de leurs oeuvres".
Ne pas dépendre de l'accord de l'éditeur
Par ailleurs, le programme de réédition numérique des livres indisponibles du XXe siècle permet aux auteurs de mettre fin à l’utilisation numérique de leurs œuvres suite à un accord commun avec les éditeurs ou à condition que les auteurs apportent la preuve qu’ils sont les seuls titulaires des droits sur leurs œuvres.
La CJUE revendique que "le droit d’auteur de mettre fin pour l’avenir à l’exploitation de son oeuvre sous une forme numérique doit pouvoir être exercé sans devoir dépendre" de l’accord de l’éditeur et sans, non plus, "devoir se soumettre au préalable à des formalités supplémentaires".
Un programme déjà opérationnel
Ce programme est déjà opérationnel, avec une première numérisation d'environ 200 000 titres. Diffusés et distribués par la société FeniXX (Fichier des Editions Numériques des livres Indisponibles du XXe siècle), filiale du Cercle de la librairie (comme Electre, société éditrice de Livres Hebdo et de la base bibliographique du même nom), ces livres sont inscrits dans ReLIRE (Registre des Livres Indisponibles en Réédition Electronique). La gestion des droits est confiée à la Sofia, qui s'occupe aussi des éventuels retraits souhaités par les auteurs.