La narratrice du nouveau roman de Fatos Kongoli frise la trentaine. Parashqevi est née dans une ville au bord de la mer de sa « patrie bien aimée ». Elle a depuis cinq ans un travail routinier d’infirmière dans un hôpital de Tirana. Sa supérieure a été rebaptisée Hippopotame à cause de son imposant physique. L’assistante du docteur qui porte un coûteux parfum français ayant quant à elle hérité du surnom de Sharon Stone, bien qu’elle ne ressemble pas du tout à l’actrice.

Parashqevi vit seule. Elle s’envisage comme un laideron, a du mal à se regarder dans la glace, pense avoir un degré de développement intellectuel proche de zéro, que personne ne la connaît et ne fait attention à elle. « De temps en temps, je remplis mon vide du vide des autres. Ça me donne l’illusion d’être utile. Me motive », dit-elle.

Un jour, son patron lui présente le riche et influent Nardi qui lui fait une offre qu’elle ne tarde pas à accepter. La voilà qui s’installe dans une villa à un étage. Chez M. et Mme Ifran. Prénommée Firdus, madame est une dame de taille moyenne, bien en chair, qui a dû être belle dans sa jeunesse. Lui est un homme sec, nerveux et émacié qui joue du piano. Parashqevi s’occupe de la logistique, du ménage, des médicaments et des cours. Et devient le témoin privilégié de l’hostilité d’un couple qui s’échange des lettres d’un étage à l’autre.

L’auteur de L’ombre de l’autre (Rivages, 1998, repris en Rivages Poche) et de Tirana blues (Rivages, 2007, repris en Rivages Poche) distille un climat mystérieux tout au long de son vénéneux Boléro dans la villa des vieux. Peu à peu, le lecteur apprend à mieux connaître l’héroïne de Fatos Kongoli. Difficile de ne pas être ému par un personnage qui s’avoue troublé par Dirina, l’épouse de Nardi, qu’elle masse avec émotion. Un être blessé qui n’a jamais oublié la nuit de 1997 où elle a été violée au bord de la mer par des hommes cagoulés et armés… Al. F.