GRAND PRIX DES BIBLIOTHÈQUES 2024

[Les bibliothécaires de l'année 2024] Sophie Bobet, l'artisane (1/5)

Sophie Bobet, directrice de la médiathèque de la Canopée la fontaine – Pôle sourd, à Paris. - Photo Clara Mezzasalma

[Les bibliothécaires de l'année 2024] Sophie Bobet, l'artisane (1/5)

Ils incarnent la diversité et le dynamisme du métier de bibliothécaire. La rédaction a sélectionné cinq professionnels pour lesquels les lecteurs sont invités à voter, jusqu’au 27 septembre. Premier portrait de la semaine : Sophie Bobet, directrice de la médiathèque de la Canopée la fontaine - Pôle sourd, à Paris.

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Par Fanny Guyomard
Créé le 08.09.2024 à 10h00

Sophie Bobet est bibliothécaire jusqu’au bout des ongles. Ainsi, quand elle pratique la céramique : « On travaille la terre, on lui donne forme, on la cuit, des défauts se révèlent, puis à la nouvelle cuisson l’émail est à nouveau transformé, et c’est l’émerveillement. C’est ce que j’aime dans mon métier : de la technique, tout en laissant une grande part à l’imagination. »

Son œuvre magistrale, c’est la médiathèque parisienne de la Canopée-la fontaine, façonnée chaque jour collectivement par son équipe de 35 personnes et les usagers qui fréquentent les lieux. La généreuse capitaine veille à l’alchimie des matières : « J’aime donner la possibilité à chaque membre de l’équipe de s’intégrer dans un collectif, autour d’un projet à la fois commun et pluriel. Ces individus ont un parcours de vie, arrivent avec de multiples compétences ; le rôle du manager est de marier tous ces éléments pour que cela devienne un organisme vivant. »

Artiste

Elle, est arrivée avec un bagage de spécialiste en histoire de l’estampe du XIXe siècle. L’imprimé, la reproduction d’une oeuvre en grand nombre… La docteure en histoire de l’art enseigne ce procédé à l’École du Louvre notamment, travaille à la revue Nouvelles de l’estampe, participe à des expositions et colloques sur le sujet… Et celle qui souhaitait, enfant, être paléontologue (émue par la question des origines) rejoint la Bibliothèque nationale de France pour un plan de sauvegarde d’imprimés, notamment de Mein Kampf, réservé aux chercheurs.

Mais manquait encore un ultime ingrédient : diffuser la saine connaissance au plus grand nombre. « Je voyais alors les bibliothèques comme les lieux culturels de demain, qui me permettraient de concilier conservation des collections et médiation auprès de tout public. » À la vingtaine, elle enquêtait déjà sur les attentes des publics du musée d’Orsay… Aujourd’hui, la médiathécaire à la crinière de feu accueille une exposition d’art contemporain. On la croisera aussi au Musée de l’Homme.

Chimiste

En 2013, l’énergique quadra décroche le diplôme de Conservatrice des bibliothèques, et la responsabilité adjointe de la bibliothèque Marguerite-Yourcenar, à Paris, sa ville. Sophie Bobet y impulse le lancement d’une bouturothèque. « Il faut anticiper, accompagner les attentes des publics, faire des évaluations régulières, petit à petit proposer autre chose, avoir une vision à long terme de ce que peut être une bibliothèque », rappelle la fourmilleuse d’idées.

En 2017, une porte s’ouvre au cœur de la capitale : une médiathèque pôle Sourd au forum des Halles. Là où, jadis, son grand-père, sourd, avait travaillé. Aujourd’hui, c’est une médiathèque exemplaire en termes d’inclusion et d’écologie.

Docteure

Pour que cette réussite profite au plus grand nombre, l’écolo partage ses expérimentations à travers l’Association des bibliothécaires de France, ou donne des formations sur le développement durable. Ainsi qu’en management — elle est aussi mentor de (futures) dirigeantes, les aide « à débloquer nos résistances imaginaires ou les obstacles réels que l’on rencontre ». Et dans son équipe, certains bibliothécaires qu’elle a accompagnés ont pris suffisamment d’assurance pour assurer la responsabilité d’autres établissements.

Elle, secouriste en santé mentale issue d’un milieu de psys, se ressource en lisant… des polars. « J’ai besoin de m’évader, ça peut paraître étrange… Le polar est une alternative à ce qu’on peut trouver de dur dans nos métiers. Un migrant qui s’est fait voler ses chaussures, une mère et ses enfants qui ne savent pas où dormir le soir... » Il y a un nom, pour la réparation de la céramique à l’aide de poudre d’or : le kintsugi.

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