Lionel Destremau, "Gueules d'ombre" (La Manufacture de livres) : Il cherche dans la nuit

Lionel Destremau - Photo © Pascal Ito

Lionel Destremau, "Gueules d'ombre" (La Manufacture de livres) : Il cherche dans la nuit

 Lionel Destremau publie son premier roman noir, une étrange et puissante histoire de recherches autour de la mémoire d'un homme, sur fond de guerre et d'oubli.

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Par Olivier Mony
Créé le 15.04.2022 à 11h00

Poète, auteur de La ligne 97 (Rouergue, 2002), collaborateur de longue date du Matricule des anges, éditeur durant plus de quinze ans, Lionel Destremau vit et travaille désormais à Bordeaux où il dirige le salon Lire en poche de Gradignan. Cet homme à qui aucun des chemins de la chaîne du livre n'est étranger, publie aujourd'hui Gueules d'ombre, une œuvre noire vraiment très noire, qui loin des codes du genre impressionne par son ampleur et sa parfaite maîtrise.

Résumer l'argument de Gueules d'ombre tient de la gageure tant ce roman est d'abord et avant tout portée par un puissant imaginaire. Ce serait donc en des temps indéfinis (mais pas nécessairement très éloignés du nôtre) et en un lieu fictif. Un pays, une ville, Caréna, où il y a eu la guerre. C'est là que l'on fait connaissance avec un certain Siriem Plant, un ancien flic, ancien combattant également, que les militaires sortent de sa retraite volontaire pour mener l'enquête sur un soldat plongé dans le coma. Celui-ci ne semble pas devoir en sortir de sitôt et diverses familles revendiquent des liens de parenté avec lui. L'homme se nommerait Carlus Turnay, mais rien n'atteste que ce soit son vrai nom. On ne sait d'où il vient ni quelle est son histoire.

Le mystère est donc total pour Plant, et ses pistes de recherches particulièrement ténues. Il ne se laisse toutefois pas décourager, s'attachant à quelques rares indices. En premier lieu desquels, la possibilité de retrouver les frères d'armes de Turnay. Dans une ambiance d'après le désastre, il démêlera peu à peu les fils tragiques de l'histoire de ces hommes et de celles qui attendaient leur hypothétique retour au foyer, les femmes, amantes, mères ou sœurs qui forment comme un chœur antique d'endeuillées. Et au fond, en cherchant la vérité de Turnay, l'enquêteur pourrait bien trouver la sienne propre...

Tout ceci est de bout en bout porté par la justesse de la langue de Lionel Destremau. Le romancier s'y entend pour installer un climat sombre, alternant à l'envi des chapitres retraçant l'enquête de son héros et d'autres où il décrit avec une formidable précision l'horreur guerrière, ce cul-de-sac de l'humanité. S'il emprunte, on l'a dit, aux figures imposées du roman noir, celles-ci sont comme revivifiées par une poétique des ruines. Ce paysage après la bataille n'est pas près de se dissiper après lecture.

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