Le 8 juin, Vincent Ollivier rencontrait une vingtaine de détenus de la prison de Mont-de-Marsan pour discuter de Toscane, son premier roman paru chez Flammarion. Ce rendez-vous marque le début d’un partenariat entre l’association Lire pour en sortir - œuvrant, par la lecture, à la réinsertion des personnes emprisonnées - et le groupe Flammarion (Arthaud, Pygmalion, J’ai lu, Autrement). La filiale de Madrigall propose à l’association des auteurs susceptibles d’aller dans les prisons comme Cassandra O’Donnell qui se rendra à celle de Châlons-en-Champagne le 2 juillet, ou Gilles Legardinier à celle de Saint-Etienne le 13 septembre.
Un système bien rodé
De son côté, Lire pour en sortir prépare la rencontre dans les établissements pénitentiaires dont elle est partenaire, achète pour les détenus les ouvrages des invités auprès des librairies indépendantes locales, avec lesquelles elle organise, dans la foulée, des séances de dédicaces avec ces auteurs. Le système est bien rodé puisque l’association, depuis son lancement en 2015, a déjà organisé 53 rencontres à travers la France, notamment avec Joël Dicker, Karl Dazin ou Hélène Couturier, dont 30 en 2018. "Ce premier partenariat avec un éditeur est une étape importante qui appuie notre développement mais aussi notre volonté de mobiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre pour apporter la culture dans les établissements pénitentiaires", explique l’avocat et auteur Alexandre Duval-Stalla, président-fondateur de Lire pour en sortir. Financée par des mécènes privés comme les fondations M6, Lagardère ou groupe ADP, elle s’appuie principalement sur le réseau de bénévoles du Secours catholique.
Les acteurs de la chaîne du livre sont aussi au cœur de la mission fondatrice de l’association: mettre en place dans les prisons françaises un programme de lecture personnalisé pour les détenus. Depuis un amendement de 2014 du code de procédure pénale, poussé par Alexandre Duval-Stalla, les réductions de peines supplémentaires sont étendues aux activités culturelles, comme la lecture. Lire pour en sortir a conçu un catalogue évolutif de 240 titres, allant de la littérature classique à la BD, distribué à tous les détenus des prisons où l’association est implantée. Ceux qui souhaitent adhérer au programme choisissent avec l’aide d’un bénévole les livres qu’ils liront et dont ils feront des fiches de lecture donnant lieu à des attestations jointes à leurs dossiers. S’il est impossible de savoir combien de remises de peines ont déjà découlé de cette initiative, le juge d’application des peines évaluant un ensemble de critères, le programme connaît un succès croissant.
Diversité des titres
En trois ans, l’association a noué des partenariats avec 25 des 188 établissements pénitentiaires et compte près de 2 000 détenus inscrits. "Nous aurions pu passer par les éditeurs qui nous auraient offert la marge libraire de 30 %, mais nous achetons tous les livres neufs chez des libraires, garants de la diversité éditoriale que nous défendons", revendique Alexandre Duval-Stalla. L’association dépense entre 500 et 1 000 euros par mois dans chaque librairie partenaire, soit, selon son président "un budget qui pourrait bientôt avoisiner les 300 000 euros annuels". "Au-delà du chiffre d’affaires que cela représente pour nous, j’ai été surprise par la diversité des titres que les détenus plébiscitent : cela m’a donné des idées de conseils pour les clients peu à l’aise avec la lecture", se félicite Lydie Zannini, la cogérante de la librairie Zannini de Bourg-en-Bresse, qui collabore avec l’association depuis fin 2016.
Avec les bibliothèques, les rapports ne sont pas aussi simples. "L’Association des bibliothécaires de France (ABF) ne peut qu’apprécier que la question de l’accès au livre et à la lecture soit portée et développée en milieu pénitentiaire, mais elle tient toutefois à insister sur le fait que cet accès est un droit et émet des réserves sur l’aspect "utilitariste et évaluationniste" du dispositif", rappelle Hélène Brochard, responsable de la commission Hôpitaux-Prisons de l’ABF. Lire pour en sortir travaille cependant "étroitement avec les bibliothécaires pénitentiaires, dès lors qu’ils sont présents dans les établissements", précise sa directrice générale, l’auteure Olivia Resenterra. L’association collaborera prochainement avec les bibliothèques de la Ville de Paris pour choisir les 5 000 premiers livres qui viendront nourrir la nouvelle bibliothèque de la prison de la Santé, dont elle assurera la gestion et financera en partie l’achat des livres auprès des libraires parisiens.