Ces sujets étaient au cœur de la réunion du 24 novembre rassemblant l’intersyndicale de la profession et l’Urssaf Caisse nationale (ex-Acoss). Cette concertation, décidée en urgence après un énième "coup de gueule" de l’intersyndicale des artistes-auteurs, est intervenue dans un contexte tendu. Fin octobre, alors que les artistes-auteurs étaient invités à se connecter à leur compte pour payer leurs cotisations définitives de 2020 et leurs cotisations provisionnelles de 2021, le site de l’Urssaf Limousin avait "planté" pendant 36 heures, entraînant une ruée des cotisants vers les services téléphoniques et e-mailings de l’Urssaf, très vite saturés.
Inquiets pour leurs versements, ne comprenant pas toujours des montants d’appels provisionnels jugés exorbitants, les artistes-auteurs s’en étaient massivement émus sur les réseaux sociaux, déjà échaudés par les dysfonctionnements à répétition des derniers mois.
Crainte, colère ou lassitude
En réaction, l’intersyndicale rassemblant une trentaine d’organisations représentatives a diffusé le 17 novembre un communiqué lapidaire dénonçant "l’asphyxie financière" de la profession et réclamant une série de mesures d’urgence : les organisations professionnelles demandaient en particulier "qu’il n’y ait aucune pénalité ni poursuite pour les artistes-auteurs qui ne seraient pas en mesure de payer les sommes appelées, que la dette de 2020 puisse, sur demande, être étalée dans le temps et enfin que les cotisations relatives à 2021 puissent être modulées afin d’établir un échéancier plus juste."
Ces revendications ont été intégralement acceptées par l’Urssaf Caisse nationale lors de la réunion du 24 novembre, sans que soient pour autant levés tous les sujets de mécontentement. Il faut dire que les problèmes de fiabilité du site de l’Urssaf-Limousin sont devenus proverbiaux chez les artistes-auteurs, suscitant alternativement crainte, colère ou lassitude parmi les utilisateurs du portail.
Outre des bugs récurrents, le langage abscons, voire "incompréhensible pour la très grande majorité" des utilisateurs est régulièrement pointé. Aujourd’hui encore, des améliorations sont attendues. "Le portail ne fonctionne pas correctement, souligne Katerine Louineau, représentante du Comité pluridisciplinaires des artistes-auteurs (CAAP). Par exemple, nous ne recevons aucune attestation de versement de nos cotisations. Il faut les réclamer par mail ou par téléphone."
Dysfonctionnements et absurdie
Côté pouvoirs publics, si l’on reconnaît de réels dysfonctionnements du portail Urssaf-Limousin depuis son lancement et un manque de communication auprès des artistes-auteurs, on rappelle aussi que le système d’appel de cotisations joue pour la première fois à plein cette année. "En 2020, les revenus 2019 n’avaient pas fait l’objet d’appel de cotisations de l’Urssaf car ils figuraient encore dans la période qui précédait le transfert de compétences, décrypte Boris Minot, nommé le 1er octobre directeur de mission artistes-auteurs diffuseurs à l’Urssaf Caisse nationale (nouveau nom de l’Acoss). Comme il n’y avait pas eu d’ajustement l’an dernier, cela a pu surprendre un certain nombre de personnes cette année."
Boris Minot confirme par ailleurs que le suivi des versements a été l’un des sujets reconnus comme prioritaires à la réunion avec l’intersyndicale. Aujourd’hui, un règlement en direct sur le portail permet d’obtenir une attestation automatique, mais pas un virement bancaire ni un paiement par chèque.
De manière plus structurelle, le portail a aussi fait les frais du difficile transfert de compétence entre Agessa-MDA et Urssaf-Limousin, opéré depuis le 1er janvier 2020. Le principal problème lors de ce transfert a été de fiabiliser les données d’identité. "On savait que le challenge était important pour plusieurs raisons : la population des artistes-auteurs est mouvante, il y a beaucoup de créations et de suppressions, explique Morgan Delaye, sous-directeur à la sous-direction du financement de la Sécurité sociale. Ensuite cette population est très variée : certains ont plusieurs régimes de retraite complémentaire." L’Urssaf-Limousin a particulièrement été confrontée à la fiabilité des fichiers Agessa-MDA, "nettement insuffisante par rapport à un standard qui permette de sécuriser complètement un processus de recouvrement et d’alimentation des droits", ajoute Morgan Delaye.
Aujourd’hui encore, l’Agessa et la MDA jouent un rôle critique au moment de la création de l’activité d’un artiste-auteur. Ce sont elles qui vérifient qu’une activité est bien artistique, pour qu’ensuite l’Urssaf assure l’ensemble de la chaîne de recouvrement de manière fluide. Mais trop d’artistes-auteurs échappent encore aux radars. "Nous sommes mal gérés car nous sommes une population mal connue", conclut Katerine Louineau.