Votre nouveau livre décrit un monde sans frontière, déshumanisé, et parallèlement des personnes incapables d’exprimer leurs sentiments…
Aujourd'hui, dans cette société Internet, nous pouvons échanger instantanément avec un inconnu à l'autre bout du monde et être incapable d'exprimer ses sentiments à un proche durant dix ans… Lorsque le Web est arrivé, on a ânonné la mort du courrier, alors qu’on ne s’est jamais autant écrit ! Je crois que l’“hypercommunication” ou l’extrême facilité à voyager ne nous éloigne pas des autres. Avant, quand un proche partait à l’autre bout du monde, on le perdait. Quand elle arrivait, la lettre était obsolète, comme éteinte. Sans ce progrès, mot que je préfère à celui de mondialisation, le voyage dans le passé de Julia [le personnage principal de son roman] n’aurait pas été possible puisque l’avion est nécessaire à son périple.
Vous parlez de progrès, et, justement, l’autre personnage important du livre est un androïde. Votre comédie romantique est-elle aussi de la science-fiction ?
Entre le premier vol aérien et l’alunissage de Neil Armstrong il n’y a que 72 ans d’écart. On peut aller plus loin : il n'y a que cent ans entre Autour de la lune de Jules Verne et le premier pas sur la lune. Au moment où je finissais mon roman, je suis tombé sur un reportage avec des androïdes japonais si réalistes, avec une texture de peau, des cheveux, des expressions humaines, qu'on ne distingue pas vraiment leur différence avec un être humain. Pourtant, je ne pense pas qu’un androïde puisse être un être humain. Mais cela peut être un miroir intelligent
La vie a plus d’imagination que nous
On en revient à la déshumanisation…
Quand j’ai écrit Et si c’était vrai, je voulais parler de la solitude urbaine, l’invisibilité des êtres. Personne ne nous voit et nous ne voyons personne. La déshumanisation ne vient pas de la mondialisation que l’on évoquait. Elle vient du culte de l’apparence, de l’individualisme. Cela a tout transformé, même notre langage qui s’est robotisé. Nous possédons de plus en plus de vocabulaire mais nous disons de moins en moins de choses et nous sommes incapables de communiquer avec nos proches. Mon livre découpe l’histoire, et donc cette incommunicabilité, en deux niveaux. D’abord tout ce que nous ne disons pas à nos parents. Ensuite tout ce qui, avec le temps, nous sépare. Tout ce qu’on n’a pas pu ou su dire. La vie a plus d’imagination que nous. Je souhaitais aussi répondre à cette question : “Est-ce qu’on peut mûrir en gardant sa part d’enfance ?” Je pense que oui si on sait lâcher prise.
Comme vous, le personnage principal a pu garder sa part d’enfance et sa curiosité grâce à son métier, infographiste pour un dessin animé, qui est assez proche de ce que vous avez fait dans les années 80.
Au Colorado, à cette époque, on avait fait survoler virtuellement Paris avec un ballon dirigeable et nous étions émerveillés. Aujourd’hui quand je vois Beowulf, je suis bluffé. A côté, nous étions dans la préhistoire avec nos silex. Cependant, dans ce film en 3D, il n’y a pas l’émotion du regard de Piccoli dans Max et les ferrailleurs. C’est aussi la limite des technologies. L’imaginaire est ce qu’il y a de plus important, ce qui me procure le plus de plaisir. Un roman, c’est de l’audace dans l’imaginaire et de l’humilité dans l’écriture. Ce plaisir me pousse à écrire un roman par an. Je vis ce métier comme un artisan. Je ne suis pas du tout sensible aux titres. Je me suis rendu compte qu’au début le mot écrivain avait de l’importance en France. Mais je me revendique comme un auteur. Je travaille dans un atelier, avec des odeurs de bois, des marionnettes. J’ai perdu mon ego quelque part, je ne l’ai jamais retrouvé et c’est une liberté formidable. Cette liberté ça s’apprend.
Le bonheur est à vivre au présent
C’est le message de votre livre …
C’est un voyage initiatique : il faut un trajet, avec ses obstacles, pour pouvoir exprimer ses sentiments et atteindre une vérité intime. La comédie permet de soutenir un rythme. Julia a des névroses mais elle ne cultive pas son malheur pour avoir l’impression d’exister. Elle n’est pas matérialiste non plus. Elle doit acheter une robe pour son mariage, mais n’en a pas envie. En revanche, pour conquérir l’homme qu’elle aime, elle est prête à faire des folies. Ce que j’ai voulu dire par là c’est que le bonheur est à vivre au présent.
Justement, vous venez de lancer votre nouveau site Internet, vous êtes à quelques semaines de la sortie de votre livre. Le succès aide-t-il à vivre ces moments de façon plus sereine ?
Le succès, au contraire, fait vraiment peur. Si on a la chance que ça plaise, ça fiche un trac énorme. Je ne sais plus qui a dit : « J’aime mieux écrire un livre honnête et pas prétentieux qu’un livre génial et prétentieux ». Je suis exactement dans cet état d’esprit. On ne va pas apprendre son métier au cinéaste
Le marketing n’aide-t-il pas à soulager ce poids ?
L’an dernier il y a eu un succès merveilleux, celui de Muriel Barbery. Il a encore une fois démontré qu’il n’y a que deux décideurs : le libraire et le lecteur. Pivot disait même : “Vous pouvez faire toute la pub que vous voulez, au-delà de 70 000 exemplaires, c’est le lecteur qui fait la différence”.
Robert Laffont est une filiale d’Editis, qui vient de se faire racheter par Grupo Planeta. Cet autre aspect de la mondialisation vous inquiète-t-il ?
A mon niveau, cela n’a aucun impact. Si l’équipe avec laquelle je travaille changeait de maison d’édition je la suivrai. Très franchement, la différence ce n’est pas la banque ou l’hôpital mais le banquier ou le médecin.
Mes amis mes amours qui sort en juillet – le second film tiré de l’un de vos romans – est réalisé par votre sœur. Avez-vous travaillé son adaptation ?
J’ai en effet collaboré au scénario. Je suis heureux que ce soit ma sœur, Lorraine Levy, qui ait réalisé ce film, car j’étais tombé amoureux de son précédent film. Je ne me sens pas le talent d’un réalisateur. Là-aussi il faut avoir de l’humilité. C’est déjà une chance formidable d’être adapté. On ne va pas apprendre son métier au cinéaste !
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