Alors que les populations d'oiseaux ont connu une chute vertigineuse dans les quinze dernières années, il semblerait que, ranimés par des auteurs inspirés par leur souvenir ou leur portée symbolique, les volatiles migrent vers la fiction et l'art, vers des espaces littéraires, pour se faire enfin entendre. Par la force d'une crise sanitaire qui a poussé les hommes à rester dans leur nid et à déserter des lieux et des routes habituellement fréquentés, les oiseaux ont resurgi pendant le confinement. Mais au-delà de l'actualité, Marielle Macé élabore des manières d'« habiter autrement » sur le modèle de ces êtres qui volent, chantent, nous rappellent à la profondeur de la poésie et à la grâce du jour qui se lève, mais face auxquels pourtant nous affichons bien souvent une mine indifférente. Après le succès de Nos cabanes (Verdier, 2019), la philosophe poursuit son exploration du « parlement des vivants », dans cet essai poétique, mélancolique et bachelardien publié aux éditions José Corti, Une pluie d'oiseaux.

Les yeux rivés sur une terre qu'ils exploitent ou perdus dans des fantasmes de conquêtes spatiales, les hommes abandonnent le simple réflexe d'un regard porté vers le ciel ou d'une oreille prêtée à la cime d'un arbre. « Écoute donc ce que te dit l'oiseau », suggère Marielle Macé. Les oiseaux permettraient-ils d'observer le monde et d'y (re)vivre non plus uniquement sous l'angle de l'utilité et de la fonctionnalité, mais bien sous celui de la contemplation et de la beauté ? Diverses représentations scientifiques, poétiques, philosophiques et politiques traversent cet ouvrage. Car, explique-t-elle, tout est ici affaire de langage, de parole et d'écoute, de réciprocité. Marielle Macé rassemble des auteurs aussi divers que Donna Haraway, Jean de La Fontaine, Philippe Quesne, Dominique Meens... et développe une pensée, certes mélancolique, dans laquelle les oiseaux deviennent des lanceurs d'alertes, des crieurs annonçant les tempêtes à venir - comme leur tragique disparition témoigne de celles qui ont déjà eu cours. Les oiseaux manifestent « l'appel d'un monde de signes qui, s'ils ne sont pas partagés, sont intensément éprouvés, interrogés, dans le sentiment que cela muettement nous regarde. »